Catégorie : Logiciels

Logiciel : la clé de l’obsolescence programmée du matériel informatique

La consommation électrique des microprocesseurs a été divisée par 40 en 60 ans. En conséquence, c’est la fabrication du matériel électronique qui concentre désormais les principales nuisances environnementales. La fabrication d’un ordinateur portable en Chine émet par exemple 100 fois plus de gaz à effet de serre qu’un an d’utilisation en France. Le geste le plus efficace pour l’environnement est donc d’allonger la durée d’utilisation du matériel.

Pourtant, bien que les ordinateurs fonctionnent sans problème plus de 10 ans, les entreprises les renouvellent tous les 3 ou 4 ans. La durée d’utilisation d’un ordinateur a été divisée par 4 en 20 ans, passant de 12 ans au début des années 80 à 3 ans en 2005. La question essentielle du Green IT, que nous devrions tous nous poser, est donc : pourquoi change-t-on trop souvent d’ordinateur ?

Lutter contre les obésiciels

La réponse est simple : année après année, les nouvelles versions de logiciels demandent toujours plus de ressources (mémoire, processeur, espace disque, carte graphique, etc.) pour réaliser les mêmes tâches. A cause de ce phénomène d’obésiciel et du gras numérique qui les caractérise, nous avons calculé que la puissance nécessaire pour écrire un texte double tous les 2 ou 3 ans !

Imaginez que tous les 2 ans votre voiture nécessite un moteur 2 fois plus puissant pour parcourir le même nombre de kilomètres ! Impensable ? C’est pourtant ce que les éditeurs de logiciels imposent aux particuliers et aux entreprises depuis 20 ans.

114 fois plus de mémoire vive pour écrire le même texte

Nous avons étudiés les configurations recommandées par Microsoft pour son système d’exploitation et sa suite bureautique. Nous prenons l’exemple de Microsoft car tout le monde connaît ses logiciels. Mais nous n’avons rien contre Microsoft et nous aurions très certainement obtenus des résultats similaires chez la plupart des éditeurs de logiciels.

Que constate-t-on ? Windows 7 + Office 2010 Pro nécessitent 15 fois plus de puissance processeur, 71 fois plus de mémoire vive et 47 fois plus d’espace disque que le couple Windows 98 + Office 97.

Si on étudie la situation couche par couche, on s’aperçoit que Windows 7 nécessite 15 fois plus de puissance CPU que Windows 98, 85 fois plus de mémoire vive et 68 fois plus d’espace disque. Les proportions sont plus raisonnables pour la suite bureautique. En un peu plus de 10 ans, les ressources nécessaires pour écrire un texte avec Office 2010 Pro (comparativement à Office 97) ont été multipliées par 20 (CPU), 43 (mémoire vive) et 16 (espace disque).

[MAJ 2013] : Il faut 114 fois plus de mémoire vive entre Windows 98 – Office 97 et Windows 8 – Office 2013. Le graphique a été mis à jour.

[MAJ 2020] : Il faut 171 fois plus de mémoire vive entre Windows 98 – Office 97 et Windows 10 – Office 2019. Le graphique n’a pas été mis à jour. Article annexe.

Cette inflation est-elle justifiée ? Non : car nous n’écrivons pas 114 fois plus vite nos textes ou nos courriers électroniques avec Windows 8 qu’avec Windows 98. Et les fonctionnalités clés d’Office 2013 existaient déjà dans Office 97.

D’où deux questions :
1) Quelles sont les nouvelles fonctions assez essentielles pour justifier une telle inflation ?
2) Comment imposer un régime aux éditeurs de logiciels (car la virtualisation ne fait que déporter le problème côté serveur) ?

Des idées ?

De notre côté, nous pouvons réduire l’empreinte environnementale et économique des logiciels en améliorant leur conception. Appelons cela l’écoconception logicielle.

[NDLR, septembre 2015 : depuis de nombreuses années on ne parle plus d’écoconception logicielle mais plutôt d’écoconception de service numérique qui s’appuie sur une posture de sobriété numérique. Dans sa forme la plus radicale, l’écoconception permet d’innover, notamment en faisant évoluer la conception des produits et des services numériques vers la low-tech].

Auteurs : Frédéric Bordage et Frédéric Lohier

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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