Catégorie : Energie

Sobriété énergétique : comment réduire l’énergie grise du numérique ? (3/4)

Dans une première analyse, nous avons vu que le numérique, sur son cycle de vie complet, représente l’équivalent de 6,2 % de la consommation d’énergie primaire de la France pendant un an.

Pour identifier des pistes concrètes et savoir où et comment agir, il faut comprendre la structure de cette dépense énergétique. C’est l’objet de cet article.

Le bilan énergétique du numérique se répartit pour deux tiers chez nous – c’est à dire du côté des utilisateurs (particuliers et professionnels) – et pour le tiers restant dans les réseaux et les centres informatiques [1].

A quelle étape du cycle de vie ?

A première vue, ce sont les utilisateurs qui auront le plus gros effet de levier pour réduire la consommation d’énergie du numérique.

Cependant, si on considère la répartition de la consommation d’énergie primaire du numérique sur son cycle de vie, on découvre deux équilibres très différents.

Chez les utilisateurs, qui concentrent 64 % du bilan énergétique du numérique en cycle de vie complet en France [1], c’est surtout la fabrication des appareils (énergie grise) qui concentre la dépense d’énergie. C’est logique quand on sait qu’un français possède en moyenne 15 appareils numériques qu’il n’utilise pour certains que quelques minutes par jour.

En revanche, du côté des réseaux (21 %) et des centres informatiques (15 %), la répartition s’inverse : la production d’électricité constitue, de loin, la principale source de dépense énergétique. C’est logique quand on considère que ces infrastructures sont allumées 24 heures sur 24, 365 jours par an.

Les leviers sont donc très différents selon qu’on vise les utilisateurs ou les opérateurs télécoms et de centres informatiques.

Ménages : éviter de se suréquiper et privilégier le réemploi

Du côté des ménages, pour réduire efficacement l’énergie grise associées à ses usages numériques, c’est simple. Il suffit de :
• ne pas se suréquiper ;
• allonger la durée de vie des appareils.

Or, la rentrée scolaire et Noël sont les deux périodes où l’on s’équipe le plus en numérique ! Attention donc dans les semaines et mois à venir. Et si vous devez absolument vous équiper, privilégiez le réemploi et les équipements reconditionnés.

Les opérateurs ont de nombreux leviers d’action

Du côté des réseaux et centres informatiques, on cherchera surtout à réduire la consommation électrique. C’est l’objet de notre troisième et dernier article de cette série. Nous ne nous étendons donc pas sur ce sujet.

Les opérateurs télécoms peuvent réduire de façons très conséquente leur bilan énergétique global en mutualisant leurs infrastructures. C’est vrai à la fois pour les stations de base radio (“antennes relais”) en ne déployant qu’un seul réseau physique 5G par exemple (ce qui n’est pas le cas), mais aussi pour les box des particuliers. Cela fait 25 ans qu’on mutualise les box internet dans les entreprises, alors pourquoi pas dans les immeubles d’habitation ?

Les opérateurs télécoms peuvent aussi aider les utilisateurs à faire leur part en les incitant à acquérir des équipements reconditionnés plutôt que neufs. On peut par exemple imaginer qu’ils associent la fourniture d’un smartphone reconditionné à bas coût contre un réengagement de seulement 12 mois et qu’il faille se réengager deux fois plus longtemps pour bénéficier d’un smartphone neuf à “1 euros”.

Data center : écoconcevoir les services numériques

Des progrès techniques considérables ont été fait au sein des centres informatiques pour mutualiser les infrastructures jusqu’à un niveau encore jamais atteint. Les opérateurs de centres informatiques et les hébergeurs ont donc peu de leviers pour agir sur l’énergie grise.

Ils peuvent cependant contribuer au développement d’un marché de la seconde main pour leurs équipements (serveurs, switch, baies de stockage, etc.), ce qui est encore très peu pratiqué et améliorerait pourtant notablement leur bilan “énergie grise”. Mais ce sont surtout les éditeurs des services numériques qu’ils hébergent qui peuvent avoir le plus gros effet de levier en écoconcevant leurs services numériques.

Et le pouvoirs publics ?

Evidemment les pouvoirs publics peuvent encourager les consommateurs à une plus grande sobriété énergétique en mettant en place des mesures incitatives. Les possibilités sont nombreuses.

On peut commencer par mettre en place un système de bonus-malus sur la taille des écrans de télévision. En effet, plus la dalle est grande et plus elle contient d’énergie grise et plus elle consomme d’électricité. Par ailleurs, les écrans de TV sont les principaux contributeurs aux impacts environnementaux du numérique en France [1][2]

Ensuite le développement du réemploi est une clé incontournable pour réduire l’énergie grise du numérique en France. Si des progrès notables ont été faits ces dernières années, pour massifier le réemploi, on peut encore rendre obligatoire la consigne des équipements numériques et accélérer la mise en place du passeport produit numérique (équivalent d’une carte grise) ainsi qu’un contrôle technique obligatoire des équipements numériques reconditionnés (pour créer un contrat de confiance entre reconditionneur et acheteur). Evidemment, l’allongement la durée de la garantie légale des équipements numériques contribuerait massivement à réduire l’énergie grise associés à nos usages numériques en France.

Enfin, le renforcement du contrôle des consommateurs sur les mises à jour logicielles contribuerait lui aussi à l’allongement de la durée de vie et donc à une meilleur amortissement temporel de l’énergie grise contenue dans nos équipements numériques.

Les autres articles de cette série :
Numérique : comment contribuer à l’effort de sobriété énergétique de la France ? (1/4)
Quel est le bilan énergétique du numérique en France ? (2/4)
Numérique : comment réduire son énergie grise ? (3/4)
Numérique : Comment réduire la consommation d’électricité ? (4/4)

Source : GreenIT.fr
[1] GreenIT.fr, 2021, iNum : Impacts environnementaux du numérique en France
[2] Ademe-Arcep, 2022, nom de l’étude

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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