Mise à jour logicielle : il est urgent de légiférer
Depuis 30 ans, les mises à jour logicielles font la pluie et le beau temps sur le marché des équipements numériques. Et notamment en ce qui concerne leur durée de vie. Retour sur un phénomène que tout le monde vit au quotidien et qui s’est considérablement amplifié depuis 15 ans. Mais qui ne semble pourtant pas inquiéter les pouvoirs publics.
Des mises à jour dans mon frigo ?
Il est nécessaire de mettre régulièrement à jour les logiciels qui équipent nos ordinateurs, smartphones, télévisions, box ADSL, pour diverses raisons que nous détaillerons plus bas.
Jusqu’à présent, ces mises à jour se limitaient aux ordinateurs. Mais avec la transformation numérique, elles touchent désormais toute notre vie quotidienne : de nos voitures en passant par nos robots ménagers et jusqu’au thermostat de nos logements. Sans oublier la myriade d’objets connectés.
Déclencher l’obsolescence de millions d’équipement instantanément
Moins médiatisée que la cybercriminalité, l’absence ou la surabondance de mises à jour est pourtant très efficace pour déclencher l’obsolescence de nos équipements, selon le bon vouloir des fabricants et éditeurs de logiciels.
C’est simple : les mises à jour logicielles sont devenues le principal déclencheur volontaire de l’obsolescence de nos équipements électroniques.
Pour bien comprendre ce phénomène, il est crucial de distinguer les mises à jour selon leur nature. Il en existe globalement deux sortes, dont l’impact est radicalement opposé.
Mise à jour évolutive
Les mises à jour évolutives ajoutent et / ou modifient des fonctionnalités. Elles ne sont pas indispensables. Elles sont lourdes et la plupart du temps à l’origine des ralentissements constatés par les utilisateurs. Ces mises à jour évolutives “encrassent” nos équipements.
Mécanisme. Mise à jour après mise à jour, le “gras numérique” finit par ralentir nos smartphones et ordinateurs au point que nous devions les remplacer, alors qu’ils sont parfaitement fonctionnels.
Démonstration. C’est un mécanisme d’obsolescence programmée que nous avons démontré, il y a 10 ans, dans une étude exclusive sur le couple Windows – Office.
Jurisprudence. L’Italie a condamné Samsung en première instance pour le mécanisme susmentionné, reprochant au fabricant « des mises à jour logicielles (…) ont réduit significativement les performances, accélérant ainsi le renouvellement par des produits plus récents » sans que les utilisateurs aient le moyen « de restaurer la fonctionnalité initiale des produits ».
Mise à jour corrective
Comme leur nom l’indique, les mises à jour correctives servent à corriger des défauts de fonctionnements (bug) ou des failles de sécurité. Elles sont indispensables car il s’agit ni plus ni moins que de réparer le logiciel. Elles sont souvent légères.
Mécanisme n°1. En stoppant ces mises à jour, l’éditeur déclenche l’obsolescence du matériel. En effet, l’absence de mise à jour corrective expose l’utilisateur à des défauts de fonctionnement ou à des risques (failles de sécurité) le poussant à changer de smartphone / ordinateur ; ou à changer de version de système d’exploitation, ce qui le pousse souvent à devoir changer d’équipement à cause du phénomène d’obésiciel. Voir mise à jour évolutive.
Mécanisme n°2. Sous un prétexte quelconque, l’éditeur détourne le rôle de la mise à jour corrective pour pousser les utilisateurs à changer d’équipement. Apple aurait ainsi ralentit intentionnellement les iPhone 6 et sous couvert de mises à jour. De son côté, Microsoft poussait de façon agressive les utilisateurs de Windows à migrer vers Windows 10 (l’éditeur a fini par s’excuser).
Jurisprudence. L’Italie a condamné Apple pour la mise à jour corrective des iPhone 6 (notamment) qui les ralentissait tellement qu’on ne pouvait plus les utiliser. Ce suite à un défaut matériel (batteries plus assez puissantes) qui faisaient redémarrer intempestivement le smartphone en pleine conversation. Si on compare avec une voiture, c’est comme si votre voiture de sport sortant de révision (mise à jour logicielle) par votre garagiste (par l’éditeur) ne vous permettait plus que de, soit rouler à 30 km/h sur l’autoroute, soit s’arrêtait toute seule au milieu de l’autoroute… Il y a clairement un défaut de fonctionnement. L’association HOP // Halte à l’Obsolescence Programmée a porté plainte il y a un an suite à ce #BatteryGate.
Trois propositions
Face à ce constat, nous demandons à ce qu’on impose légalement aux éditeurs de logiciel :
- une distinction claire entre mise à jour évolutive et corrective ;
- une information claire et le consentement systématique de l’utilisateur avant toute installation de mise à jour évolutive ;
- la mise à disposition, en téléchargement sur le site de l’éditeur, des mises à jour individuelles et cumulées, au moins pendant 10 ans après la fin de la commercialisation / support technique du produit.
Le principe est de permettre aux utilisateurs de pouvoir choisir l’installation ou non d’une nouvelle fonctionnalité (mise à jour évolutive).
Le consentement doit être demandé pour chaque nouvelle mise à jour évolutive. Puisque c’est ce qu’impose le droit européen (RGPD) pour nos données personnelles, ce principe devrait, a fortiori, être obligatoire pour des programmes qui s’exécutent sur des équipements que nous avons acquis.
L’éditeur ne devrait pas pouvoir changer sans notre information claire et notre consentement systématique la nature du logiciel que nous lui avons acheté.
L’association Halte à l’Obsolescence Programmée (@HOP) reprend ces propositions dans son livre blanc parmi une liste de 50 permettant de concevoir des produits et une consommation plus durables.
Source : GreenIT.fr