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Les logiciels au service du développement durable

La deuxième édition du séminaire Green IT a réuni, jeudi 21 octobre 2010 sur le campus de l’Epita (Paris), des experts, des éditeurs de logiciels, des intégrateurs et des utilisateurs (entreprises et collectivités locales) autour du rôle des logiciels au service du développement durable. Environ 175 personnes ont assisté à ce séminaire.

Frédéric Bordage, qui anime GreenIT.fr, a rappelé les principaux enjeux du développement durable, avec notamment un focus sur la pression réglementaire qui s’accentue (REACH, NRE, Grenelle 2…). Pour les entreprises, le développement durable se traduit par trois impératifs :

  • la conformité réglementaire et la traçabilité,
  • la performance économique,
  • la transformation de ces contraintes en opportunités par le développement d’une « croissance verte » globalisée.

Dans cette démarche, les logiciels spécialisés ont le point commun d’aider à structurer et automatiser. Plus précisément, ils permettent de :

  • structurer une démarche pour laquelle les entreprises manquent de compétences en interne ;
  • automatiser la collecte des données qui est une étape clé car elle permet, moyennant un effort initial d’intégration avec le SI, de réduire le coût des projets dans le temps, tout en passant d’une logique d’image statique (à un instant t) à une vue actualisée des indicateurs (qu’ils concernent les émissions de GES, la RSE, les fournisseurs, etc.) ;
  • assurer une veille réglementaire en intégrant progressivement les nouveaux standards – comme c’est le cas pour les progiciels financiers.

Selon le domaine concerné du développement durable, ces logiciels présentent des enjeux particuliers. Cela fut l’objet des trois tables rondes que nous résumons ci-dessous.

Table ronde 1 : Les logiciels pour suivre et réduire les émissions de CO2
Animée par Frédéric Bordage, cette table ronde a réuni Laura François, responsable à la communauté d’agglomération de Val-et-Forêt et utilisatrice d’un logiciel, Ronan Kerouedan, responsable chez CarbonHub (éditeur), Jérémy Fain de Verteego (éditeur), et Thierry Rudowski de Zen’to (intégrateur).

Un constat : la pression réglementaire s’accentue dans le monde et chez nos voisins. Une taxe carbone est déjà appliquée en Angleterre et la France sera concernée un jour ou l’autre. D’ailleurs, la réglementation pousse déjà nos collectivités locales à adopter des logiciels spécialisés (cf. Plan Climat Énergie Territoire). Dans le monde des entreprises, ce sont souvent les clients qui poussent les fournisseurs à devenir « green » et adopter une comptabilité carbone.

La problématique de collecte des données d’émissions dépend surtout de la taille de l’entreprise et du nombre de filiales. Laura François a témoigné d’une utilisation sur le périmètre d’une communauté d’agglomération, et CarbonHub a pu donner l’exemple d’écoles réparties sur plusieurs centaines de sites en Grande-Bretagne.

Le marché des logiciels spécialisés dans le suivi des émissions de CO2 apparaît comme le plus développé. Les différents retours d’expérience ont permis de dégager quelques écueils à éviter :

  • rester dans une logique statique : il faut intégrer une démarche d’amélioration continue, ce qui demande des efforts en sensibilisation et accompagnement au changement ;
  • l’intégration avec le système d’information existant (progiciels, outils décisionnels, annuaire…) ;
  • le budget souvent restreint des directions du développement durable.

Table ronde 2 : Les logiciels pour acheter responsable
Animé par Valérie Ripoll, directeur Pôle Privé de Factea durable, cet échange a réuni Jean-Christophe Binetti de Convis (éditeur), Pierre-François Thales d’Ecovadis (éditeur), Sébastien Faliu chez PTC (éditeur), et Olivier Veilhan, de Bouygues Telecom (utilisateur).

Après Nike dans les années 90, les scandales liés aux conditions de production des biens manufacturés touchent désormais l’ensemble des entreprises. Récemment, Apple et Microsoft étaient montrés du doigt après la mort par suicide d’un 12ème ouvrier chez un sous-traitant. Malgré les éco-labels, le référentiel ISO 14000 et récemment ISO 26000, il reste difficile de sélectionner ses fournisseurs selon les critères du développement durable. Comment les outils peuvent-ils venir en aide aux acheteurs ?

Les différents participants ont noté qu’un challenge s’était créé parmi certains fournisseurs, celui d’être le plus "développement durable" – et non le moins cher… Les mentalités et les pratiques évoluent, une certaine émulation se crée selon les secteurs.

Olivier Veilhan, qui a piloté la mise en place d’un programme pour l’évaluation des fournisseurs au sein de Bouygues Telecom, a pu témoigner de l’utilisation d’Ecovadis, plate-forme de notation permettant de classer les fournisseurs selon plusieurs indicateurs, allant du travail des enfants à l’efficacité énergétique : « Cette solution permet d’harmoniser les formulaires d’évaluation de nos différents fournisseurs. Cela leur permet aussi de s’évaluer, se comparer avec leurs concurrents et de progresser ». L’objectif pour Bouygues Telecom est de faire compter la note d’Ecovadis pour 10% de la note totale d’un fournisseur lors des appels d’offre.

Enfin, la fiabilité et la confidentialité des données sont des critères importants que ces logiciels doivent pouvoir garantir. C’est pourquoi il est nécessaire que les allégations des fournisseurs soient contrôlées sur site par des experts explique Jean-Christophe Binetti, gérant de l’activité France de Convis.

Table ronde 3 : Les logiciels pour suivre et piloter la stratégie développement durable de l’entreprise
Cette dernière table-ronde, animée par Thierry Rudowski, de Zen’to, a réuni Jean-Bernard Bisson, de Act21, Anne Allary, de Tennaxia, Isabelle Carcassone, d’IBM, Thomas Couturier, d’IHS, et Hélène Joubert, de SAP.

Cet échange a été l’occasion de prendre de la hauteur. Isabelle Carcassone, responsable marketing de l’offre de décisionnel et de gestion de la performance d’IBM France, précise qu’au-delà du reporting d’indicateurs concernant le développement durable, il s’agit bien de piloter une démarche RSE dans son ensemble. Hélène Joubert, responsable développement durable chez SAP, ajoute : « la multiplicité des contraintes réglementaires entraîne la mise en place d’un véritable projet RSE et les ERP sont une solution pour piloter cette transformation ». Thomas Couturier d’IHS, qui propose l’analyse des données brutes dans l’industrie, tempère les propos des deux intervenantes : « les entreprises tentent d’abord de se mettre aux normes sur des problématiques comme l’hygiène et la sécurité pour ensuite ajouter la brique développement durable ». Les priorités d’un directeur de la sécurité/sûreté et d’un directeur du développement durable sont différentes. Jean-Bernard Bisson étend encore plus le débat en posant la question de la distance entre la stratégie développement durable et la stratégie d’entreprise. Au niveau des systèmes d’information et de l’implication des DSI, les éditeurs ont l’impression de revivre l’époque des projets d’implémentation d’ERP… l’expérience en plus.

Les participants se sont néanmoins accordés à dire que ce domaine en est à ses balbutiements et que les avancées se feront en fonction de la maturité des décideurs.

Nicolas Brunet

Diplômé de l’ENSEIRB, Nicolas s’est impliqué dans le REFEDD pendant ses études. Il a été hui consultant en management chez SterWen Consulting, où il a contribué au développement de l’offre Green IT, domaine à la croisée entre sa formation d’ingénieur en informatique et sa sensibilité pour le développement durable. Il s’intéresse plus particulièrement au pilotage de programme Green IT au sein des organisations, notamment via les modèles de maturité et méthodologies en la matière.