Catégorie : Etude

Numérique au bureau : jusqu’à 48 % de notre budget annuel soutenable !

Exclusif. Le collectif Green IT publie les résultats de sa 8ème campagne de mesure de la sobriété numérique au bureau. Cette étude, le Benchmark Green IT 2023, évalue les efforts qu’il reste à faire pour aboutir à une activité numérique soutenable.

Unique en Europe, le Benchmark Green IT aide les entreprises privées et publiques et les collectivités territoriales à évaluer quantitativement et qualitativement leur niveau de sobriété numérique. Elle repose sur la quantification des impacts environnementaux des systèmes d’informations des organisations participantes et identifie des solutions pour les rendre plus sobres.

Cette étude est pilotée par le collectif Green IT  dans le cadre du Club Green IT avec la collaboration d’Agile Partner, Auxilia, Espelia, Innov’iction, It’s on us, Resilio, et Zeb & Web qui ont analysé des systèmes d’information en France, en Suisse et au Luxembourg.

L’évaluation des impacts environnementaux repose sur les standards internationaux recommandés par la Commission européenne (ACV et PEF), sur le Référent Green IT (RGIT) pour la maturité, et sur une comparaison des résultats des participants pour établir une échelle et les y positionner les uns par rapport aux autres. C’est la seule étude dans le monde à respecter ces standards.

37 à 48 % du budget soutenable grignoté par le numérique au bureau

En 2023, bien qu’en baisse par rapport à 2022, les impacts associés aux usages numériques d’un utilisateur pendant 1 an dans un cadre professionnel sont conséquents :

  • Epuisement des ressources : 15,3 g équivalent antimoine (SB), soit 76 tonnes de terre excavée ;
  • Radiations ionisantes : 680 kBq équivalent U235 ;
  • Réchauffement global : 364 kg équivalent CO2, soit 915 km en voiture thermique ;
  • Consommation d’eau : 220 m3, soit 3 666 douches.

A l’échelle d’une journée au bureau (220 jours par an) cela correspond, chaque jour et par personne, à :

  • 460 kg de terre excavée (6 fois notre poids) par jour ;
  • 2 kg équivalent CO2, soit 11 kilomètres en voiture thermique par jour ;
  • 1000 litres d’eau, soit 17 douches (60 litres) par jour.

Pour prendre la mesure de ce que ces chiffres signifient par rapport aux enjeux environnementaux, il faut les rapporter aux limites planétaires, c’est à dire aux quantités d’impacts environnementaux que chaque français peut « dépenser » pendant un an, sans déstabiliser les équilibres fondamentaux de la planète.

On se rend alors compte que nos usages numériques au bureau mobilisent :

  • Epuisement des ressources abiotiques matière : 48 % du budget annuel soutenable d’un européen
  • Epuisement des ressources abiotiques fossiles : 39 % du budget annuel soutenable d’un européen
  • Réchauffement global : 37 % du budget annuel soutenable d’un européen

Pour être soutenable, diviser par 4 à 10 le poids du système d’information

« Ces proportions nous indiquent que, selon l’indicateur observé, les entreprises privées et publiques doivent diviser par un facteur 4 à 10 les impacts de leur système d’information pour que leur activité soit soutenable » met en perspective Frédéric Bordage, co-auteur de l’étude au sein du collectif Green IT.

Ces objectifs de réduction sont atteignables à moyen terme dès lors que les entreprises déploient une démarche proactive de réduction. « Il est par exemple assez facile de doubler la durée de vie des postes de travail en systématisant leur réemploi. Si, en parallèle, on évite de multiplier les écrans externes LED / OLED et que l’on allonge leur durée de vie, on divise par 4 les impacts par rapport à une entreprise qui n’agit pas » complète Anne Rabot, co-autrice du rapport et Responsable des études chez Resilio.

Trois sources principales d’impacts

Comme lors des éditions précédentes, l’environnement de travail des utilisateurs (ordinateur, écrans, etc.) et le service informatique (DSI) sont les deux principales sources d’impact du système d’information, suivies de près par les centres informatiques et le cloud.

Une meilleure prise en compte de la localisation des serveurs “cloud” dans cette édition et quelques participants basés au Luxembourg augmentent certains indicateurs liés à la production de l’électricité qui, en Asie, au Luxembourg et aux Etats-Unis, engendre plus d’impacts environnementaux qu’en France.

Cela n’aboutit cependant pas à un bouleversement de la répartition des impacts, qui ont majoritairement lieu au niveau :

  • des utilisateurs : 47 % de l’épuisement des ressources abiotiques, 33 % des radiations ionisantes, 31 % du bilan eau et 25 % du réchauffement global ;
  • du service informatique (DSI) : 32 % du réchauffement global et 34 % du bilan eau ;
  • des centres informatiques (et du cloud): 43 % de l’épuisement des ressources fossiles et 41 % des radiations ionisantes.

Vu sous l’angle des indicateurs environnementaux, les principaux contributeurs sont :

  • Epuisement des ressources : utilisateurs (47 %) et DSI (28 %).
  • Radiations ionisantes : utilisateurs (33 %) et centres informatiques et cloud (41 %) ;
  • Réchauffement global : utilisateurs (32 %) et DSI (25 %) ;
  • Consommation d’eau : utilisateurs (31 %) et DSI (34 %)

Plus d’impacts lors de l’utilisation que lors de la fabrication

Deux étapes du cycle de vie contribuent majoritairement aux impacts : la fabrication des équipements et leur utilisation (et donc la production de l’électricité consommée par le système d’information). 

Sauf pour l’épuisement des ressources abiotiques “matière” (métaux et minéraux) qui se concentre lors de la fabrication des équipements, pour les 15 autres indicateurs d’impacts observés dans le cadre du Benchmark Green IT 2023, la phase d’utilisation est désormais prédominante. Cette évolution est surtout due :

  • à l’allongement de la durée de vie des terminaux (ordinateurs, écrans, etc.) ;
  • au périmètre de l’étude avec des participants basés aux Luxembourg ;
  • à une meilleure prise en compte du cloud basé en Asie et aux USA.

Trois axes d’amélioration notables

En croisant ces informations, on peut identifier des pistes d’action prioritaires pour les principaux domaines concernés :

  • La fabrication des équipements des utilisateurs contribue majoritairement à l’épuisement des ressources abiotiques. Il faut donc réduire le taux d’équipement et allonger leur durée de vie ;
  • La consommation d’électricité de l’infrastructure (centres informatiques, cloud et réseaux) représente 52 % de la dépense énergétique globale (en énergie primaire). Elle induit des impacts tels que les radiations ionisantes et l’épuisement des ressources fossiles. Il faut donc réduire la consommation électrique de l’infrastructure ;
  • La téléphonie et les impressions sont des domaines à faible impacts environnementaux (comparé aux autres domaines). Mais il est facile d’agir, par exemple en améliorant la qualité du papier consommé (recyclé FSC et / ou Blue Angel).

Au final, la compilation de tous les plans d’actions individuels des organisations qui ont participé à cette 8ème édition du Benchmark Green IT fait ressortir 3 actions prioritaires :

  1. Réduire le taux d’équipement par utilisateur et notamment éviter le 2ème écran, surtout s’il est de technologie LED/OLED ;
  2. Allonger la durée de vie de tous les équipements (sans oublier l’infrastructure) en systématisant le réemploi plutôt que le recyclage des équipements fonctionnels ;
  3. Réduire les kilomètres des collaborateurs DSI et prestataires en favorisant le télétravail et mettant en place un Plan de Mobilité (PDM).

« La plupart de ces bonnes pratiques sont simples, rapides, et peu coûteuses à mettre en œuvre » indique Anne Rabot, co-autrice de l’étude et Responsable des études chez Resilio. « Le réemploi permet par exemple de réduire jusqu’à 20 % le bilan gaz à effet de serre du système d’information » complète Léo Donse, l’expert d’Espelia qui a accompagné les collectivités territoriales.

Rapport détaillé du Benchmark Green IT 2023

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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