Catégorie : Acteurs

Quand le site de la COP21 raconte des salades…

Sur GreenIT.fr, nous nous battons depuis plus de 11 ans pour réduire l’impact environnemental et social du numérique et en faire un atout au service d’un développement plus durable de la société humaine.

Malheureusement, nous nous heurtons régulièrement à de grands médias et à des agences officielles qui relaient des contrevérités. Ce qui amène les citoyens et les pouvoirs publics à se concentrer sur des gestes dont les effets sont peu ou pas significatifs. Ce qui, in fine, revient à se concentrer sur l’arbre qui cache la forêt et pas sur la forêt.

Parmi 10 gestes clés pour lutter contre le changement climatique, le site officiel de la COP21 en propose 3 directement liés au numérique. C’est une très bonne nouvelle car cela signifie que l’impact du numérique a été identifié. Malheureusement, deux conseils sur trois sont à la fois faux et totalement déconnectés de toute réalité physique.

Avant de publier cet article, nous avons fait remonter nos remarques aux personnes concernées et leur avons proposé notre aide pour adapter, à minima, le contenu des textes avec des chiffres réalistes. En vain. Sept jours plus tard, sans aucun retour, et à deux semaines de la COP21, nous jugeons nécessaire de publier une mise au point pour avertir nos lecteurs.

J’éteins mes appareils électriques en veille

Le texte du site de la COP21 indique « J’éteins mes appareils électriques en veille : Un ordinateur en veille utilise encore 20 à 40 % de sa consommation en marche ! Tout appareil en veille contribue à alourdir les factures d’électricité ». Cette affirmation est totalement fausse. Il faut diviser ce chiffre par 10 !

Prenons un exemple concret. Pour un ordinateur portable (Lenovo Thinkpad T400), la puissance appelée en fonctionnement est d’environ 20 Watts tandis que la puissance appelée en veille est de l’ordre de 0,7 Watt, soit environ 4 %. C’est 10 à 20 fois moins que le chiffre annoncé. Vous pouvez vérifier cet ordre de grandeur à l’aide d’un simple ampèremètre grand public (15 à 25 euros).

Pourquoi le message porté par le site de la COP21 est-il dangereux ? Parce qu’il détourne les citoyens et les pouvoir publics d’un geste bien plus efficace : allonger la durée de vie des appareils électriques.

En effet, dans le cadre d’une utilisation normale, il y a désormais plus d’énergie dépensée et de gaz à effet de serre émis lors de la fabrication que lors de l’utilisation. Il est donc plus efficace d’allonger la durée de vie active de l’appareil.

Comme nous l’avons démontré il y a déjà des années, la fabrication d’un ordinateur de bureau émet 70 fois plus de gaz à effet de serre que un an d’utilisation en France. La fabrication d’un ordinateur portable émet 100 fois plus de gaz à effet de serre que un an d’utilisation en France.

Pour réduire les émissions de GES associées à un ordinateur, il faut surtout éviter d’en fabriquer un nouveau, et donc allonger la durée de vie des équipements existants. CQFD.

[Mise à jour du 20/11 suite à un échange avec l’équipe du site de la COP21]
Lorsque le site de la COP21 dit “Un ordinateur en veille utilise encore 20 à 40 % de sa consommation en marche !”, il faut comprendre “la veille représente 20 à 40 % de la consommation électrique d’un ordinateur sur une année”.

Avec mon ordinateur, mon téléphone ou ma tablette, je surfe léger

Le texte du site de la COP21 indique « Une recherche sur Internet émet prés de 10 kilos de CO2 par an et par internaute à cause des serveurs utilisés ». Cette affirmation est totalement fausse.

D’une part, il ne s’agit pas uniquement de CO2 mais aussi d’autres gaz à effet de serre. Les auteurs du conseil confondent donc les termes « CO2 », « équivalent CO2 » et « gaz à effet de serre ». Sur le site officiel de la COP21, ça fait plutôt désordre…

D’autre part, si on considère une unité fonctionnel du type « fabriquer, transporter, afficher, et lire une page web », l’ordre de grandeur est plutôt de 2 grammes équivalent CO2 par page pour un site web du type moteur de recherche ou annuaire. Il faut donc diviser le chiffre annoncé sur le site de la COP21 par… 1 000 à 3 000 !

Enfin, les serveurs seuls représentent moins de 20 % des émissions associées à cette unité fonctionnelle. La fabrication du terminal de l’internaute et la consommation électrique de sa box internet concentrent les émissions. Nous détaillons notre analyse ici : http://greenit.fr/article/materiel/quelle-est-l-empreinte-environnementale-du-web-5496

[Mise à jour du 18/11 : nous avons été partiellement entendu puisque le site a été mis à jour partiellement. Les 10 kg de CO2 sont devenus 10 grammes]

[Mise à jour du 20/11 suite à un échange avec l’équipe du site de la COP21]
Lorsque le site de la COP21 dit « Une recherche sur Internet émet près de 10 grammes d’équivalant CO2 par an et par internaute. », il faut lire « Une recherche sur Internet émet près de 10 grammes équivalent CO2 ». Le chiffre précédent (10 kg CO2e) s’entendait pour 1 000 recherches par an et par internaute. Le nouveau chiffre s’entend pour une recherche à un instant t et non sur une durée d’une année.

Comment surfer léger ?

Les gestes clés pour “surfer léger” consistent à :

  • allonger la durée de vie des équipements des internautes ;
  • éco-concevoir les sites web et autres services en ligne ;
  • débrancher sa box internet quand on ne s’en sert pas ;
  • éviter de regarder la télévision via sa box internet (préférez la TNT).

Le détail des gestes clés ici : http://greenit.fr/article/bonnes-pratiques/comment-reduire-l-empreinte-environnementale-du-web-5501

Source : GreenIT.fr

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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