Catégorie : Matériel

Quelle est l’empreinte environnementale du web ?

Depuis un peu plus d’un an, chaque journaliste ou institution que je rencontre me pose les deux mêmes questions : quels sont les impacts environnementaux du web ? Et comment les réduire ?

La réponse tarte à la crème, archi médiatisée, consiste à accuser les vilains centres de données qui seraient, selon certaines ONG, la source de tous les maux. En réalité, la situation est plus complexe et les solutions diverses. Car chaque tiers – utilisateur, réseau, data center – a des impacts différents, et pas aux mêmes étapes du cycle de vie.

Pour apporter une réponse synthétique et précise, je viens de passer quelques semaines à faire des calculs approfondis. Voici les résultats préliminaires que je soumets à votre critique constructive.

200 équipements utilisateurs pour 1 serveur
On compte environ 3 milliards de terminaux connectés (2 milliards de smartphones et 1 milliard d’ordinateurs) et 5 à 7 milliards d’objets connectés, soit environ 9 milliards de clients, pour environ 45 millions de serveurs. Environ 800 millions d’équipements réseau actifs – routeurs, box ADSL, cœur de réseau, etc. – connectent les clients entre eux et aux serveurs.

Cela nous permet de déduire deux premiers ratios intéressants :

  • 200 clients pour 1 serveur (200:1);
  • 10 clients pour 1 équipement réseau (10:1).

Ces ratios vont fortement augmenter dans les années à venir car le nombre d’objets connectés devrait passer de 5 à 7 milliards aujourd’hui à entre 25 et 75 milliards selon les études, dès 2020 . Phénomène auquel il faut ajouter le fait que de plus en plus d’êtres humains ont accès au web depuis un ordinateur, une tablette et / ou un smartphone. Cette évolution numéraire augmentera significativement le poids des impacts associés à la fabrication par rapport à la phase d’utilisation.

Comme la consommation électrique des équipements – terminaux comme serveurs – a fortement baissé ces dernières années et que le cloud se développe, la part du réseau dans la consommation électrique globale va augmenter plus vite que celui des autres tiers (utilisateurs et centres de données) dans les années à venir.

200 kg de gaz à effet de serre et 3 000 litres d’eau par internaute et par an
Pour en revenir à la question initiale et y répondre en utilisant des indicateurs environnementaux faciles à appréhender, en considérant la fabrication et l’utilisation de l’ensemble de l’infrastructure – terminaux connectés, réseau, serveurs, etc. – (sauf des bâtiments), on obtient les ordres de grandeur suivants (les impacts associés à la fabrication sont amortis sur la durée de vie de chacun des équipements) :

L’empreinte annuelle, au niveau mondial, serait de :

  • 1 037 TWh d’énergie, soit 40 centrales nucléaires ou 140 millions de français pendant 1 an ;
  • 608 millions de tonnes de gaz à effet de serre, soit l’équivalent de 86 millions de français(e)s ;
  • 8,7 milliards de m3 d’eau, soit la consommation annuelle de 160 millions de français.

Pour 3 milliards d’internautes, l’empreinte annuelle par internaute serait de l’ordre de :

  • 346 kWh d’énergie (essentiellement de l’électricité), soit la conso. électrique annuelle de 10 haïtiens ou de 10 ordinateurs portables ;
  • 203 kg de gaz à effet de serre (émissions annuelles de 1 afghan);
  • 2 924 litres d’eau (fabrication de 3 smartphones ou 2,5 ans de survie pour un être humain*).

* 50 millions de personnes meurent chaque année dans le monde du fait d’un manque d’eau ou des conséquences d’une eau non potable.

Les impacts répartis entre fabrication et utilisation
Le plus intéressant est de comprendre à quelle étape du cycle de vie les impacts ont lieu et quels sont ces impacts. J’ai donc réalisé cette analyse en utilisant trois indicateurs (énergie, gaz à effet de serre, eau).

L’épuisement des ressources non renouvelables, les pollutions et les impacts sanitaires ont lieu essentiellement lors de la fabrication et de la fin de vie des équipements électroniques. Les émissions de gaz à effet de serre sont également réparties entre fabrication (48 %) et utilisation (52 %). En revanche la consommation électrique (68 %) et d’eau (84 %) est prépondérante sur la phase d’utilisation.

Les impacts liés à la fabrication sont surtout concentrés dans la fabrication des équipements des utilisateurs et des objets connectés. La consommation d’énergie est surtout liée au fonctionnement 24 heures sur 24 et 365 jours par an du réseau et des centres de données. La consommation d’eau est liée à trois événements : la fabrication des équipements, la production de l’électricité et le refroidissement des centres de données.

Dans l’article Comment réduire l’empreinte environnementale du web ?, je vous présente les principales pistes d’amélioration.

Source : GreenIT.fr

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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