Catégorie : Energie

Efficacité énergétique : que représente vraiment le PUE ?

Tribune de Fabrice Coquio, président d’Interxion France

Le Power Usage Effectiveness (PUE) s’est imposé comme un indicateur technique universellement reconnu pour traduire l’efficacité énergétique des data centers. Il s’est même imposé comme un des indicateurs de l’informatique « éco-responsable ». Les entreprises ont plus que jamais besoin de repères pouvant les aider à réduire leur empreinte environnementale tout en réduisant les coûts liés à leur consommation énergétique. Pourtant, un certain nombre d’entre elles ne savent pas ce qu’est le PUE ou ne le mesurent pas.

Quel état des lieux peut-on dresser aujourd’hui ? Peut-on affirmer sa maturité en tant qu’indicateur fiable ? Quelle est sa valeur ajoutée ?

Une définition du PUE qui reste floue
Le PUE consiste à mesurer l’efficacité d’utilisation de l’énergie qui alimente le data center. Il s’agit d’évaluer sur un an la quantité d’énergie totale consommée par le site, par rapport à la quantité d’énergie nécessaire au fonctionnement des équipements informatiques. Cet indicateur est d’ailleurs souvent utilisé pour comparer les performances énergétiques des data centers. Plus le résultat est proche du chiffre 1, moins le data center consomme d’énergie, et plus il est considéré comme « éco-responsable ». Un critère qui devient incontournable dans de nombreux appels d’offres.

Or, pour juger de la fiabilité et de l’exhaustivité d’un comparateur, il faudrait que celui-ci prenne en compte 3 éléments fondamentaux que le PUE n’intègre pas :

  • La localisation géographique du site : la température extérieure est essentielle pour l’efficience énergétique d’un data center, qui n’aura pas le même PUE selon sa localisation géographique. Un data center situé en Suède n’aura pas les mêmes besoins en refroidissement qu’un data center en Espagne.
  • Le taux de disponibilité choisi : les pertes énergétiques augmentent avec le nombre d’éléments redondants existants sur site.
  • Le taux de charge : si un data center n’est qu’à 20% de sa charge nominale, il aura cependant un PUE plus mauvais que s’il était chargé à 80%, même en consommant moins d’énergie.

A noter qu’il existe 2 taux de charge différents à prendre en compte :

  • le design PUE, qui représente le fait de concevoir le design d’une salle pour la rendre la plus efficace possible en matière de consommation d’énergie. Il correspond au calcul de l’optimum qui pourrait être obtenu si l’on était à l’optimum de la charge (bâtiment complètement construit et occupé à 100%).
  • le PUE constaté ou « actual PUE », représente l’utilisation réelle de l’énergie.

Etat des lieux : entre méconnaissance et disparité
Une éventuelle norme ISO aurait le mérite d’uniformiser les moyens de mesure du PUE, puisqu’il ne prend par exemple pas en compte les mêmes critères d’un auditeur à l’autre.

Notons également la création par le Green Grid, consortium qui a normé le PUE, de 3 autres indicateurs, dont l’objectif est de rendre plus lisible l’efficacité énergétique des data centers :

  • L’ERE (Energy Reuse Effectiveness) qui prend en compte la réutilisation d’une partie de l’énergie produite par le data center (comme la chaleur)
  • Le CUE (Carbon Usage Effectiveness) qui mesure la quantité de gaz à effet de serre produite par le bâtiment
  • Le GEC (Green Energy Coefficient) qui prend en compte la part des énergies renouvelables dans la consommation globale du data center.

Par conséquent, le PUE ne prend pas en compte la performance énergétique des équipements informatiques en tant que telle.

Utilisé seul, le PUE, bien que raisonnablement calculable, n’est pas un indicateur fiable pour comparer les data centers, puisque l’ensemble des paramètres clés ne sont pas pris en compte pour juger de leur performance énergétique.

Le PUE : un bon indicateur d’amélioration de la performance énergétique qui manque de légitimité
Tous ces indicateurs montrent bien, au-delà d’une certaine zone de flou, un véritable besoin de mesurer, légitimer et prouver son positionnement en matière d’efficience énergétique. Le PUE n’est pas une fin en soi, il s’agit davantage d’un levier permettant d’établir des axes d’amélioration à partir de la consommation électrique de l’informatique sur une période donnée.

On note cependant que, dans le même temps, les appels d’offres se sont emparés du PUE, qui, intégré aux cahiers des charges, devient un critère de sélection. La Commission européenne en a, quant à elle, fait un indice de référence dans son « Code of Conduct on Data Centres Energy Efficiency ».

Tout en étant essentiel à l’éligibilité des prestataires de data centers, la pertinence du PUE peut donc être questionnée. En ce sens, le Green Grid annonçait pour 2013 la transformation du PUE en une norme ISO, une étape qui pourrait s’avérer fastidieuse.

Sources : Interxion

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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