Catégorie : Energie

Linky : le compteur qui va faire disjoncter votre portefeuille

Depuis plusieurs années, nous dénonçons (ici et par exemple) les dérives du projet Linky, le compteur électrique “intelligent” qui équipera bientôt les foyers français.

Ce compteur n’a rien d’intelligent. D’une part, il ne permet pas aux consommateurs de mieux connaître leurs habitudes énergétiques et d’identifier des sources d’économie. Les consommateurs continueront donc à gaspiller de l’énergie… D’autre part, il impose un surcoût injustifié, compris entre 120 et 240 euros selon les estimations. Ce surcoût est contre-productif. C’est un véritable « malus écologique » pour les foyers les plus modestes qui considèreront encore plus le développement durable comme une lubie de riches bobos parisiens. Malgré ce contexte, le Premier Ministre a décidé, cet été, que ce compteur sera déployé d’ici 2016. Une décision d’autant plus incompréhensible que la majorité gouvernementale finalise actuellement sa loi consommation, censée redonner du pouvoir d’achat aux ménages.

L’UFC-Que Choisir vient de confirmer notre analyse en publiant récemment une étude qui estime à 308 millions d’euros le surcoût pour les abonnés (hors coût d’installation du compteur) ! « Notre étude, basée sur des relevés effectués auprès d’un panel représentatif, démontre que 55 % des ménages ne disposent pas d’une puissance d’abonnement cohérente avec leur consommation » constate l’association de consommateurs. « En raison de sa forte sensibilité aux dépassements, l’arrivée de Linky va obliger les foyers sous-abonnés, même si leur surconsommation est faible ou ponctuelle, à passer à une puissance d’abonnement supérieure. Au final, le seul changement d’abonnement entraînera pour ces consommateurs un surcoût annuel de 308 millions d’euros » explique-t-elle.

Un compteur gratuit qui coûtera 545 millions d’euros aux français(e)s
Au-delà du surcoût de l’abonnement, qui ne touchera que les sous-facturés, c’est l’ensemble des ménages mal-facturés qui va devoir payer pour changer d’abonnement, une opération facturée 36,21 euros TTC par ERDF. Si rien n’est fait, les sous-abonnés risquent ainsi de payer 366 millions d’euros… pour un abonnement plus cher ! Pire, même les sur-abonnés – ceux qui paient trop cher depuis des années – vont souffrir de l’arrivée de Linky : pour bénéficier de la baisse de leur abonnement, et économiser 35 millions d’euros par an, ils devront s’acquitter de la somme de 179 millions d’euros au titre du changement de puissance… et auront ainsi 5 ans à attendre avant de commencer à bénéficier des économies d’abonnement. Cette double peine pour nombre de foyers est d’autant plus insupportable que le Linky a été récemment présenté au public comme « un compteur gratuit pour les consommateurs ».

L’UFC-Que Choisir demande donc aux pouvoirs publics et à la CRE :

  • d’élaborer une nouvelle grille tarifaire, avec des niveaux de puissance d’abonnement plus précis, afin que les consommateurs puissent bénéficier d’un abonnement en parfaite adéquation avec leur consommation réelle ;
  • d’imposer la gratuité de la prestation de changement de puissance deux ans après l’installation du compteur Linky, afin d’assurer un « réétalonnage » sans surcoût des abonnements

Reconcevoir le Linky ou l’abandonner
Le déploiement d’un compteur intelligent peut être une bonne idée si ce dernier permet réellement aux consommateurs de faire des économies en réduisant leur facture électrique sur le long terme. Mais il faut le re-concevoir dans cette optique. Trois points jamais pris en compte sont particulièrement importants :

  • Aider le consommateur à faire des économies d’énergie. Comme nous le notions en juillet 2011, il vous en coûtera 3,5 euros par mois pour pouvoir accéder à des informations de consommation sans intérêt car trop peu détaillées ! Pour aider les consommateurs à faire des économies d’énergie, le compteur doit être réellement intelligent et communicant. Il doit par exemple être capable d’envoyer un SMS ou un e-mail d’alerte lorsqu’un seuil de consommation est atteint ou qu’un anomalie est détectée, afin de faire prendre conscience au consommateur du poids énergétique de chacune de ses habitudes ;
  • Garantir le respect de la vie privée. Le Linky a été retoqué par la CNIL qui lui reproche de ne pas respecter la vie privée des utilisateurs. Par ailleurs, il est assez facile de déduire vos usages en analysant simplement votre courbe de consommation ;
  • Anticiper le déploiement des autres compteurs. Après l’électricité, le gouvernement supporte le projet Gazpar, un smart meter pour le gaz. Dans la même logique, on peut s’attendre à ce qu’il nous fasse ensuite le coût pour l’eau. Or, la mutualisation du dispositif de télé-relève (modem et réseau de communication) constitue une source très importante de réduction de coût pour l’usager et pour l’Etat. Sous la pression des lobbys, ce n’est malheureusement pas le chemin pris par le gouvernement. Oserait-on construire 3 lignes de chemin de fer en parallèle en 2013 ? C’est pourtant ce que l’on fait au niveau des infrastructures de télé-relève.

En considérant le coût exorbitant du projet, on peut aussi se demander si ces 5 à 7,5 milliards d’euros ne seraient pas mieux utilisés autrement…

source : http://www.quechoisir.org/environnement-energie/energie/electricite-gaz/communique-electricite-les-consommateurs-abonnes-aux-mauvais-couts

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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