L’Arcep se penche sur l’enjeu environnemental des réseaux
Après avoir initié la réflexion par une note publiée en octobre 2019 sur l’« Empreinte carbone du numérique », l’ARCEP affiche son ambition de faire de l’enjeu environnemental un nouveau chapitre de la régulation.
Une plateforme collaborative pour évaluer les impacts des réseaux
Le régulateur vient de lancer une plate-forme de travail « pour un numérique soutenable » pour penser l’enjeu environnemental dans l’évolution des réseaux de communication, des terminaux et des usages. Elle vise à co-écrire un rapport publié fin 2020 destiné à éclairer les pouvoirs publics.
En avril dernier, l’ARCEP a déjà demandé aux opérateurs de lui fournir les quantités d’émissions de GES des réseaux, des box internet et décodeurs TV.
GreenIT.fr contribuera à ce groupe de travail de diagnostic de l’empreinte environnementale ainsi qu’aux propositions et recommandations associées. L’aspect sociétal et économique devra également être pris en compte.
L’impact des réseaux surtout dans le dernier kilomètre
Dans son rapport, l’ARCEP a identifié que les impacts d’émission de GES pour les opérateurs se concentrent sur la consommation électrique du réseau (lié à la l’évolution du trafic), et que les terminaux utilisateurs sont la cause principale de l’impact énergétique du Numérique.
Notre récente étude iNUM montre que la fabrication des box et celle des autres équipements terminaux du réseau émet au moins autant de GES et qu’elle concentre dans les même proportions d’autres impacts tels que l’épuisement des ressources abiotiques ou la tension sur l’eau. La consommation électrique n’est pas le seul impact et ouvrir l’étude sur une analyse multicritère permettrait de mieux évaluer l’impact d’un nouveau réseau ou de la fermeture d’un autre.
Vers une régulation du numérique de bout en bout ?
Par ce nouveau travail collégial, l’ARCEP espère élargir son champ de vision aux terminaux ainsi que son rôle de régulateur auprès des fabricants de terminaux (smartphones, tablettes, assistants vocaux) et des éditeurs de systèmes d’exploitation, de navigateurs et de magasins d’applications.
Toujours pas de prise en compte de l’effet rebond de la 5G ?
Questionné sur la 5G, le président de l’Arcep, Sébastien Soriano, estime qu’il n’y aurait « aucune rationalité à retarder la mise en place de la 5G pour des raisons environnementales ». Les arguments avancés étant que le déploiement est très progressif (100 à 1000 sites mobiles sur quelques années) et que la 5G affiche de meilleures performances que la 4G en terme de consommation électrique. Pourtant de nombreuses voix s’élèvent pour affirmer le contraire.
Selon notre analyse, la 5G pourrait déclencher :
- La mise au rebus prématurée de dizaines de millions de smartphones 4G parfaitement fonctionnels ;
- Des dizaines de millions d’heures d’usage supplémentaires qui n’existaient pas : vidéo HD et jeu vidéo en streaming en situation de mobilité, explosion du nombre d’objets connectés, etc.
Il semble évident, si on décolle le nez de la seule consommation électrique (qui n’est pas un indicateur environnemental) que la 5G va considérablement augmenter notre empreinte numérique.
Par ailleurs, même si on ne regarde que la consommation électrique, en Chine on constate 3,5 fois [3] plus de consommation électrique en 5G, liée aussi à l’augmentation du trafic.
Pas de justification technique au déploiement de la 5G
La crise sanitaire a montré que nos réseaux ont supporté notre surconsommation alors même que nos services numériques ne sont pas éco-conçus et que des technologies de diffusion en masse éviteraient les « congestions » observées.
Le rapport de l’ARCEP, sur l’état de l’internet en France [1] met en avant une augmentation de plus de 30% du trafic pendant la pandémie sans que les réseaux en France n’aient connu de congestion majeure. Seules quelques tensions très ponctuelles et locales ont été observées.
Ceci a été permis grâce à la performance des réseaux et leur fort dimensionnement, complétée par une planification des mises à jour par les FAI à des horaires de peu d’influence, le partage de bonnes pratiques et la demande faite à Netflix de ne pas diffuser de 4K.
Les saturations apparues concernaient un dimensionnement insuffisant des plateformes de service ou de contenu concernés.
Maintien du New Deal Mobile et soutien au peer-to-peer
D’après Benjamin Bayart [4], interrogé lors du débat, qui a suivi la conférence de presse de l’ARCEP, la crise sanitaire a confirmé des arbitrages qui ont révélé leur pertinence (neutralité du net) mais a mis en exergue :
- Les inégalités du territoire. La priorité est donc bien le New Deal Mobile pour continuer le déploiement de la 4G dans les zones mal desservies (zones blanches et les Outres-mers), plutôt que le déploiement de la 5G dans Paris (ou autre zone dense).
- Le besoin de revoir la réglementation concernant les modes de diffusion de contenu en masse basés sur la technologie Peer to Peer (comme BitTorrent), dont l’utilisation éviterait les congestions ponctuelles des réseaux, observées pendant la pandémie (push de mise à jour en masse,…).
Autres chiffres clés du rapport
- Le trafic entrant des 4 opérateurs français d’accès internet a augmenté de 29% en un an
- Les capacités fin 2019 sont 2,7 fois supérieures au trafic
- 55% du trafic entrant provient de 4 fournisseurs de contenu Netflix, Google, Akamai et Facebook
Sources :
[1] « Etat de l’internet édition 2020 », Juin 2020, https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/rapport-etat-internet_edition-2020_250620.pdf
[2] Synthèse du rapport de l’ARCEP, Juin 2020, https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/synthese-rapport-etat-internet-france-2020_Tome3_250620.pdf
[4] Co-fondateur de la Quadrature du Net, et co-président de la fédération des fournisseurs d’accès à internet associatifs