Catégorie : Bonnes Pratiques

Combattre les pollutions bureautiques avec des plantes : mode d’emploi

Les plantes dépolluantes sont à la mode. Alliant décoration et santé, de nombreux articles fleurissent pour nous vanter les vertus de telles ou telles espèces végétales en fonction des pièces et des usages. Anthurium dans la cuisine, fleur de lune dans le salon et dracéna dans la chambre : voici de manière simplifiée le mode d’emploi pour embellir et dépolluer nos intérieurs !

 

Un air intérieur bien plus pollué que l’air extérieur

Cette préoccupation n’est pas accessoire : depuis 2002, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail (Afsset) a recensé une centaine de polluants de l’air intérieur (dont 19 substances jugées « hautement prioritaires » et « très prioritaires ») et estime que celui-ci est bien plus pollué que l’air extérieur. Or, en climat tempéré, nous passerions en moyenne 85 % de notre temps dans des environnements clos.

L’air intérieur offre une grande diversité de situations de pollution, avec de nombreux agents physiques et contaminants chimiques ou microbiologiques, liés aux bâtiments, aux équipements, à l’environnement extérieur immédiat, aux appareils à combustion et au comportement des occupants (tabagisme, activités de cuisine ou d’entretien, bureautique, …). Leurs impacts sur la santé sont variés et vont de la simple gorge irritée jusqu’à l’affection du système gastro-intestinal ou du système respiratoire.

En 2006, l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) a mené une campagne nationale « logements » dans le but d’étudier l’état de la qualité de l’air dans les logements français. Dans son rapport final, cette étude a montré que 10% des logements français peuvent être qualifiés de « multi-pollués » (3 à 8 des composés recherchés sont mesurés à de fortes concentrations), 15% des logements sont « pollués » (1 à 2 composés présents à de fortes concentrations), 30% des logements sont « légèrement pollués » (4 à 7 composés présents à des concentrations supérieures aux médianes de l’ensemble des logements) et 45% des logements sont « peu pollués » (l’ensemble des composés étant présents à des concentrations inférieures aux médianes de l’ensemble des logements).

Le matériel bureautique participe à cette pollution

Le matériel bureautique participe à cette pollution comme l’ont montrés plusieurs exemples récents:


* Le cas du Mac Pro (septembre 2008)

Un chercheur du CNRS a découvert par hasard que certains modèles d’ordinateurs Apple émettaient des vapeurs toxiques. Dès l’acquisition de son Mac Pro, il repère une forte odeur et, quelques jours plus tard, Apple-Mac_Pro.jpgconstate que ses yeux, son nez et son larynx sont irrités. Il décide alors d’envoyer son ordinateur au laboratoire Analytica pour analyser les substances émises par l’ordinateur. L’étude réalisée confirme la présence de traces aisément mesurables de 7 contaminants organiques volatils dont du benzène, du styrène et du propionaldéhyde. Elle souligne également la toxicité de ces substances pour l’homme sur le long terme, à des degrés divers selon les substances considérées, mais néanmoins indubitables. Le benzène est le plus inquiétant : « le benzène peut avoir des effets sur la moelle osseuse. Des personnes sensibles qui travaillent huit heures par jour pendant deux mois en inspirant de telles vapeurs pourraient très bien développer des leucémies», affirme Annie Leszkowicz, experte en risque chimique auprès de l’Afsset.


* Le cas des imprimantes laser

Depuis le milieu des années 2000, de nombreuses études ont démontré que les imprimantes laser rejettent de fortes concentrations de particules ultrafines dans l’atmosphère. Les mécanismes de formation de ces particules ne sont pas encore clairement identifiés. Mais plusieurs recherches tendent à montrer que la quantité d’émission de particules varie de manière significative selon l’impression et qu’elle suit le cycle de variation de température des rouleaux pour unité de fusion. Une étude récente (1) a mesuré les émissions de 30 imprimantes laser : presque toutes ont été considérées comme hautement émettrices de particules (>1,01 x 1010 particules / min). Parmi elles, les imprimantes couleurs ont généré plus de particules fines (PM2.5) que leurs consœurs monochromes, et toutes les imprimantes ont émis d’importantes quantités d’ozone (O3).
Très récemment, d’autres recherches portent plus largement sur l’émission de composés organiques volatiles et de composés organiques semi-volatiles par les appareils électroniques et les équipements bureautiques mais ces travaux n’en sont qu’à leurs débuts (2).

Ainsi, un certain nombre de polluants peuvent provenir du matériel bureautique dont :

Source principale : site Internet de l’Observatoire de la qualité de l’air.

Il faut noter que le formaldéhyde, le toluène, l’acétaldéhyde et les particules font partie des 7 substances jugées « hautement prioritaires » par l’OQAI et que ce sont également les polluants que l’on retrouve le plus fréquemment dans les logements français.

Enfin, les champs électromagnétiques engendrés par le fonctionnement d’appareils électriques ou électroniques sont aussi considérés comme des polluants de l’air intérieur par l’OQAI. Les résultats des nombreuses études épidémiologiques sont à l’heure actuelle contradictoires mais il est avéré que les champs électromagnétiques provoquent un échauffement des tissus vivants par transfert d’énergie et peuvent perturber le fonctionnement des appareils de stimulation cardiaque. De plus, certaines études récentes (1) ont mis en évidence des effets athermiques sur les organismes vivants. Toutefois les conséquences sur la santé n’ont pas été prouvées (Ondes électromagnétiques, l’Afset confirme l’effet sur le corps humain).

Quel rôle les plantes peuvent-elles jouer?

En respirant les plantes assurent la régulation de l’humidité ambiante et la bio-filtration des substances nocives présentes dans l’air. Les substances polluantes de l’air sont absorbées par les feuilles des plantes qui en retour émettent de la vapeur d’eau.llution_bureautique_par_les_plantes-principe.jpg

Les premières recherches portant sur la dépollution par les plantes ou « bio-épuration » ont été réalisées par la NASA dans les années 1980 car l’agence spatiale américaine avait identifié 107 composés organiques volatils à l’intérieur du vaisseau spatial de la mission Skylab III en 1973. Cherchant à réduire la pollution de l’air intérieur dans un espace clos et, par extension les effets de cette pollution sur la santé, la NASA a lancé la NASA Clean Air Study. Les premiers résultats publiés en 1984 ont démontré qu’en chambres d’essais scellées, des plantes intérieures pouvaient absorber les COV. Suite à cette découverte, la NASA a construit en 1989 la « BioHome», une structure étroitement scellée pour ne laisser passer ni air ni énergie. C’est dans ce bâtiment que le Docteur Wolverton a testé l’efficacité de certaines plantes sur les polluants tels que le formaldéhyde, le xylène, l’ammoniaque et le benzène (3). Les études du Dr Wolverton restent des références dans le domaine.

Depuis, d’autres analyses ont été menées. En France, l’association Plant’airpur, créée par la paysagiste d’intérieur Geneviève Chaudet, mène un programme de recherche national nommé Phyt’air pour évaluer la capacité de certaines plantes à épurer l’air dans un environnement clos. Ce projet est mené conjointement avec le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment et la Faculté de Pharmacie de Lille.

Mais si l’on parle très souvent de la qualité de l’air intérieur au sein des habitats particuliers, il ne faut pas oublier celle de nos lieux de travail. En 2004, une campagne «Plantes et Bien-être sur le lieu de Travail » a été menée par le NIGZ (l’Institut pour l’amélioration de la santé et la prévention des maladies) et financée par la Communauté Européenne. Elle visait particulièrement les entreprises de 50 employés en France, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Italie. Dans la brochure PDF, les employeurs et employés sont incités à s’entourer de plantes afin de rendre l’atmosphère de travail plus saine et réduire les troubles de santé du personnel. Fatigue, maux de tête, toux et irritation des yeux diminueraient de 30% après l’intégration de plantes dans l’espace de travail, ce qui, par contrecoup, permettrait une baisse du nombre d’arrêts de travail et une hausse de la productivité. Une étude a ainsi été faite par le Néerlandais Van Dortmont (4) en 2001. Il a révélé une relation positive entre l’installation de plantes et la productivité des travailleurs (rapportée par eux-mêmes), surtout chez les employés restant plus de quatre heures par jour sur un écran d’ordinateur.
Enfin, la campagne du NIGZ encourageait également les employeurs à améliorer la ventilation des locaux et à regrouper, dans une pièce fermée, les imprimantes et photocopieuses.
Toutes ces précautions permettraient de contribuer à réduire le syndrome du bâtiment malade ou malsain.

Quelles plantes associer au matériel bureautique ?

En plus des gestes basiques recensés dans le guide de la pollution de l’air intérieur publié par l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES), les plantes peuvent participer à rendre nos intérieurs plus sains.

Voici une sélection des plantes les plus polyvalentes permettant d’absorber les polluants émis par le matériel bureautique :

plantes_depolluantes_bureautique-extra_large.jpg
[Si vous souhaitez cibler un solvant en particulier, vous pouvez vous reporter au tableau extrait du livre Les Plantes Dépolluantes, purifier l’air de la maison ou du bureau avec des plantes de Geneviève Chaudet et d’Ariane Boixière ou aux différents articles conseillés sur cette page.]

Il faut noter que le programme Phytair a montré que la configuration plantes avec sol, racines et microorganismes est la plus efficace pour dépolluer l’air. De plus, les différentes études révèlent qu’un feuillage dense favorisera les performances des différentes espèces (sachant qu’on considère qu’il faut une plante pour environ 10 m2 d’espace habitable).

Outre les plantes citées précédemment, certaines plantes sont présentées comme filtrant les radiations électromagnétiques. N’ayant trouvé aucune étude scientifique corroborant ces affirmations, je me contenterais de lister ici les espèces souvent évoquées : le "Cereus peruvianus" ou cierge du Pérou, le champignon Ling Zhi, la crassula et l’aloe vera (qui offre l’avantage d’absorber le formaldéhyde, le benzène et le toluène).

Tel Wall-E protégeant la graine qui sauvera l’humanité, les mordus du clic devraient désormais se mettre au vert !

 

1. He, Congrong and Morawska, Lidia and Wang, Hao and Jayaratne, Rohan
and McGarry, Peter D. and Johnson, Graham R. and Bostrom, Thor E. and
Gonthier, Julien and Authemayou, Stephane and Ayoko, Godwin A.,
"Quantification of the relationship between Fuser Roller Temperature and
Laser Printer Emissions", Journal of Aerosol Science 41(6), 2010, pp. 523-530.

2. Schripp, T.,Wensing, M.,
"Emission of VOCs and SVOCs from electronic devices and office equipment", 2009. 

3. Pour d’autres informations sur le sujet, consultez :

– le site Internet du Dr Wolverton (en anglais)

– les rapports techniques publiés par la NASA (en anglais)

– le livre du Dr. Wolverton "How To Grow Fresh Air — 50 Houseplants that Purify Your Home or Office," (Penguin, 1997).

4. Van Dortmont A., "Onderzoek planten en productiviteit", Amersfoort: DHV; 2001: pm-mm20010177.

 

——————–Sources :——————–

– Article de Libération, Mac Pro, le pépin toxique pour Apple ?, Laure Noualhat.
– l’étude de la NASA, « Interior Landscape Plants for Indoor Air Pollution Abatement PDF», 1989.
– site Internet de l’association Plant’airpur,
– Geneviève Chaudet et Ariane Boixière, Les Plantes Dépolluantes, purifier l’air de la maison ou du bureau avec des plantes, Rustica Éditions 2007.

Claire Biason