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Climate Gate : un scandale sans importance

Denis m’a alerté sur LE buzz du moment : le Climate Gate. Les sceptiques du changement climatique publient des e-mails prouvant, selon eux, que les climatologues du Climatic Research Unit (CRU), le centre d’études climatologiques de référence du Groupe International d’Experts sur le Climat (GIEC), manipulent les chiffres. Une « manipulation » qui n’est pas totalement démentit par le CRU.

L’occasion de rappeler quelques évidences qui dépassent de loin cette polémique sur les émissions des gaz à effet de serre (GES). Oui, nous devons faire des économies d’énergie. Notamment au niveau et grâce aux technologies de l’information et de la communication (TIC).

Pourquoi ? D’une part, un autre scandale montre que l’Agence Internationale de l’Energie (IEA) sait pertinemment que nous avons atteint le pic pétrolier (peak oil). Cela signifie que nous n’avons que quelques dizaines d’années de réserves devant nous. Avec, pour conséquence à court terme, une flambée prévisible du prix de l’énergie (60% de l’électricité mondiale est produite à partir du gaz et du pétrole). Le coût de la facture énergétique des TIC – data center, poste de travail, téléphonie, etc. – va donc croître continuellement dans les années à venir. Pour rester performants, les systèmes d’information des entreprises vont devoir consommer moins d’énergie.

D’autre part, notre société – c’est à dire notre organisation sociale et économique – s’est construite sur le pétrole à bas prix. Les français parcourent de plus en plus de kilomètres pour travailler. Or, se déplacer va coûter de plus en plus cher. D’autant que la taxe carbone (contribution climat énergie) va amplifier, à juste titre, ce phénomène. Bref, pour regagner du pouvoir d’achat, les français vont devoir économiser de l’énergie.

Le pétrole n’est pas qu’un combustible, c’est aussi une matière indispensable au fonctionnement de notre société qui repose entièrement sur des objets fabriqués à partir des dérivés du pétrole : des cosmétiques au pare-choc des voitures en passant par votre ordinateur. Dans ce contexte, il faut économiser le plus possible cette denrée qui sera de plus en plus rare et onéreuse, comme l’atteste le pic pétrolier de 2008 (pétrole à 140 dollars).

Les TIC ont un rôle majeur à jouer – tant d’un point de vue environnemental qu’économique – pour limiter nos déplacements en les transformant en réunions virtuelles (téléprésence, travail à distance, etc.). Le covoiturage et l’auto-partage ne sont également possibles que grâce aux TIC qui permettent de confronter l’offre et la demande de trajets à une échelle industrielle.

Au delà du pétrole et des émissions de GES, économiser l’écosystème sur lequel repose notre société est indispensable. Il faut actuellement 2,74 écosystèmes planétaires pour fournir l’énergie, les matières premières, les terres arables, la biosphère capable d’absorber les pollutions, etc. liés à notre mode de vie. Autant dire qu’à ce rythme, que les scientifiques du CRU aient manipulé leurs chiffres ou pas, nous allons quand même dans le mur.

Là encore, les TIC sont de précieuses alliées. L’agriculture de précision – qui repose sur le GPS et l’analyse d’images satellite – permet par exemple de réduire de 30% la dose d’intrants (engrais azotés, pesticides, fongicides, etc.). Les TIC augmentent donc les marges des agriculteurs tout en réduisant le lessivage chimique des sols et le niveau d’intoxication des consommateurs. Réunis, les bâtiments intelligents (green / smart building) et les réseaux intelligents (smart grid) peuvent réduire de 40% l’énergie consommée sur l’ensemble de la chaîne, de l’usine électrique au consommateur final. Dans ces projets, les TIC sont indispensable pour mesurer les flux afin de piloter les infrastructures et adapter l’offre à la demande.

J’espère vous avoir convaincu que le buzz du moment n’est qu’un coup médiatique, fort à propos à quelques semaines du sommet de Copenhague sur le changement climatique (COP15). Ce buzz, avéré ou pas, ne remet pas en cause les fondements du développement durable et l’utilité des projets Green IT et TIC durables.

Sources sur le Climate Gate :
http://eco.rue89.com/2009/11/23/le-climategate-de-la-recherche-sur-le-rechauffement-127022
http://www.nytimes.com/2009/11/21/science/earth/21climate.html?_r=1&scp=1&sq=Climate%20Research%20Unit&st=cse
http://www.nytimes.com/aponline/2009/11/21/science/AP-EU-Climate-Hacked-E-mails.html?scp=3&sq=Climate%20Research%20Unit&st=cse

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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