Catégorie : Bonnes Pratiques

Le facteur 8

L’économie d’un kWh sur un serveur permet d’économiser, au minimum, 8 kWh d’énergie primaire. Démonstration de cet effet de levier.

Le transport de l’électricité se traduit par des pertes en ligne dues à l’effet Joule et aux différentes transformations successives de voltage. L’effet Joule est la manifestation thermique de la résistance électrique. Il se produit lors du passage d’un courant électrique dans tout matériau conducteur. A cause de ces phénomènes, la quantité d’électricité distribuée « à la prise » est plus faible que la quantité d’électricité produite. Par ailleurs, la production d’électricité à partir de sources d’énergie primaire (uranium, vent, soleil, pétrole, charbon, etc.) induit des pertes importantes, de l’ordre de 40 à 60% d’énergie primaire perdue.

En France, on retient un coefficient de transformation de l’énergie primaire sur l’énergie finale disponible « à la prise » de 2,58 kWh équivalent pétrole par kWh électrique (source: RT2005 règles Th-C – http://maison-solaire.chez-alice.fr/Bilan_Energetique.htm). Pour 1 kWh électrique consommé à la prise, il faut donc 2,58 kWh d’énergie primaire.

Dans un centre informatique, le rapport entre l’électricité qui arrive dans le bâtiment et celle réellement utilisée par du matériel informatique est compris entre 2,5 et 3. On parle d’un Power Usage Effectiveness (PUE) de 2,5 à 3. Si bien que pour 1 kWh économisé sur un serveur, on a 1 kWh * PUE * 2,58 = soit un facteur de 6,45 à 7,74 selon le PUE.

En réalité, cet effet de levier est bien plus élevé. En effet, on s’intéresse ici à la « charge utile », c’est à dire aux kWh qui alimentent réellement le matériel informatique. Mais ces kWh servent souvent à rien…Le calcul le plus intéressant est donc celui du rapport entre les « kWh informatiques utiles » et les kWh d’énergie primaire économisée.

Les serveurs fonctionnent, au mieux, 20 à 80% du temps. Dans le cas d’une efficience optimale, on a donc un effet de levier de 7 kWh * 1/ 80% = 8,06. Dans le moins bon des cas on obteint : 7 * 1/ 20% = 35. Il faut donc 8 à 35 kWh d’énergie primaire pour 1 kWh d’informatique utile.

Les proportions sont, en apparence, meilleure sur une poste de travail. L’efficience de l’alimentation électrique varie en effet de 50 à 80%. Pour 1 kWh « utile », il faut donc injecter 1,2 à 1,6 kWh dans l’alimentation électrique. Cependant, bien qu’allumé, un ordinateur personnel fonctionne – c’est à dire effectue des calculs – finalement très peu de temps : de 10 à 25% du temps. Avec une efficience de l’alimentation électrique de l’ordinateur de 50% à 80% et 90% à 75% de temps inutile, on arriveà 5 à 20 kWh à la prise pour 1 kWh utile, dans le meilleur des cas. Et de 15 à 60 kWh d’énergie primaire pour 1 kWh informatique utile.

Quelle bonne pratique tirer de cette observation ?
Ce sont les kWh évités sur le serveurs ou le poste de travail qui ont le plus gros effet de levier sur l’environnement. Il faut donc travailler en priorité sur la conception des logiciels – serveurs et poste de travail – et sur la gouvernance du système d’information, notamment des données. Il est en effet paradoxal d’optimiser un data center ou un poste de travail qui fonctionnent… pour rien. Cette bonne pratique peut paraître évidente, elle est pourtant presque toujours écartée.

Pourtant, comme le rappel le rapport « Facteur 4 » du Club de Rome, les négawatts – kWh économisés – coûtent moins cher à obtenir que la production de kWh supplémentaires. Ils réduisent également d’autant les émissions de gaz à effet de serre (GES) – dont le fameux CO2 – et la production de déchets radioactifs (surtout en France).

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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