Catégorie : idée

Pour une low-tech numérique

Dans deux précédents articles, nous avons établi que le numérique est une ressource critique, non renouvelable et qui sera épuisée dans une génération. Compte tenu de cette tension, il est urgent de lui trouver une alternative pour permettre à l’humanité de continuer à transmettre sa connaissance de génération en génération et à s’organiser en communiquant. Deux clés indispensables pour assurer notre résilience.

Plus les années passent et plus il apparaît évident que la low-tech est la seule voie possible pour construire la base de notre avenir numérique.

Lorsque nous avons forgé l’expression “low-tech numérique”, il y a déjà quelques années, l’idée était de vous amener à réfléchir à l’articulation possible entre une low et une high tech numérique. Cette articulation, si elle est  planifiée suffisamment tôt, c’est à dire maintenant, peut augmenter significativement notre résilience face à l’effondrement en cours.

Low-tech numérique : kesako ?

La “low-tech numérique”, qui peut sembler être un oxymore, désigne les technologies numériques qui reposent sur des techniques largement diffusées, éprouvées, maîtrisées (simples à utiliser, fabriquer et à réparer), et qui nécessitent peu de ressources abiotiques pour être fabriquées.

Le caractère “low” ou “high” d’une technologie numérique est une question de perspective, notamment temporelle. En 1999, envoyer un SMS en 2G relevait de la high-tech numérique. Mais en 2019, cela relève plus de la low-tech.

Pérenniser le numérique

Compte tenu des enjeux évoqués précédemment, la question de la quantité de ressources abiotiques nécessaires est cruciale. Les technologies numériques les plus pérennes dans le temps seront à la fois celles que l’on maîtrise le mieux, mais aussi celles qui consomment le moins de ressources sur leur cycle de vie complet, de leur fabrication à leur fin de vie en passant par leur utilisation.

L’exemple que j’utilise souvent quand je présente la low-tech numérique en conférence est celui des écrans. Un affichage LCD basique (comme sur les premiers téléphones portables) est tout à fait suffisant pour téléphoner et envoyer des messages de type SMS. Le seul intérêt des écrans ultra-modernes des smartphones récents est de pouvoir afficher des photos, des vidéos, et des applications de cartographie.

Se focaliser sur la fabrication et la réparation

Il est également important de comprendre que la consommation électrique sur la phase d’utilisation n’est pas forcément l’aspect le plus important. Un équipement qui consomme un peu plus d’électricité sur la phase d’utilisation mais qui nécessite deux fois moins de ressources pour être fabriqué et dont la durée de vie est plus importante devrait être privilégié.

Il est donc essentiel de se focaliser sur la quantité de ressources nécessaires à la fabrication de l’appareil et sur sa facilité de réparation dans le temps. Bien que préoccupante, la consommation d’énergie sur la phase d’utilisation est finalement moins critique.

Articuler low et high tech numérique

Au final, l’intérêt de cette notion de low-tech numérique est surtout de structurer notre réflexion lorsque nous concevons les produits et les services numériques de demain. Très souvent, lorsque j’écoconçois un service numérique en adoptant un posture radicale, mes principales recommandations aboutissent à de la low-tech numérique. Ces derniers temps, il m’est souvent arrivé de proposer à des clients de compléter ou de remplacer un site web par un service d’alerte par SMS ou e-mail qui se substitue presque totalement au site web.

L’enjeu n’est pas tant de faire disparaître le numérique actuel, mais plutôt de répondre au choix suivant : souhaite-t-on continuer à augmenter indéfiniment la taille des écrans de télévision qui trônent au milieu de nos salons ? Ou préférons-nous conserver les dernières réserves de minerais pour fabriquer des outils numériques critiques pour l’avenir de l’humanité ?

Nous sommes à l’heure du choix. Or, ne pas choisir reviendrait à opter pour un avenir numérique tout high-tech. Un avenir impossible.

source : GreenIT.fr

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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