Catégorie : idée

Le numérique est une ressource critique

Dans un article précédent, nous avons défini le numérique comme une ressource épuisable et non renouvelable.

L’objectif de cet article est de vous faire prendre conscience du caractère critique du numérique. Ainsi, à l’issue de votre lecture, vous devriez considérer le numérique comme une ressource critique non renouvelable.

Une ressource est considérée comme critique lorsque l’humanité en a absolument besoin pour survivre ou pour perpétuer la civilisation. L’air, l’eau, et les terres arables sont des ressources critiques car elles sont vitales. Elles répondent aux besoins physiologiques de base (pyramide de Maslow).

Si le numérique n’est pas vital à court terme, il est en revanche indispensable au mode de vie et à l’organisation de la société d’aujourd’hui.

Communiquer : un besoin critique

Communiquer et sauvegarder notre savoir sont deux opérations essentielles à la survie et au développement de l’humanité. En effet, si le genre homo, et notamment homo sapiens, s’est si bien adapté aux changements de son environnement, c’est grâce à sa capacité à s’organiser et à transmettre des informations de générations en générations. Deux opérations grandement facilitées par les moyens modernes de sauvegarde et de transmission d’information :  le numérique.

Il y a 50 ans déjà, pouvoir continuer à communiquer, même après une attaque nucléaire massive, était considéré comme… critique. C’est dans cette logique que les Etats-Unis, alors en pleine guerre froide avec l’URSS, ont décidé de créer l’Arpanet, ancêtre de l’internet moderne.

Le monde moderne, totalement dépendant du numérique

Depuis la création d’Arpanet et sa mutation en l’Internet, nous sommes devenus totalement dépendants du numérique. Le monde d’aujourd’hui est en effet binaire à bien des égards. Prendre rendez-vous chez un médecin, payer ses impôts, sauvegarder puis regarder ses photos souvenirs, travailler, choisir un itinéraire routier, gérer les feux tricolores, diffuser et écouter la radio et la télévision, passer un scanner ou une IRM : tous nos usages quotidiens – des plus farfelus aux plus vitaux – reposent désormais sur le numérique.

Dans ce contexte, il est difficile d’imaginer un monde sans numérique. Et pourtant, comme nous l’avons vu dans l’article précédent : en tant que ressources, notre stock de numérique s’épuise inexorablement.

Imaginez maintenant un monde sans numérique : cela serait nécessairement le chaos à court terme, le temps que la société se réorganise “à l’ancienne”. Il faudrait au moins une génération pour ressortir le papier, les fax, les lignes téléphoniques analogiques, les CB, etc. et réorganiser les bases de nos échanges avec ces outils.

L’enjeu n’est pas tant de faire à l’ancienne – nous y parviendrons – que de réussir à ralentir et décroître dans le calme.

Le monde d’aujourd’hui brasse en effet des quantités astronomiques de données, à la vitesse de la lumière. L’économie repose désormais sur cet axiome : de plus en plus de données de plus en plus vite.

Si cette inévitable transition vers la rareté du numérique n’est pas gérée à temps, nous risquons fort de nous retrouver avec de gros blocages économiques et sociaux qui pourraient accélérer l’effondrement en cours. Un cercle vicieux s’enclencherait alors, nous plongeant dans un univers “à la Mad Max” car la désorganisation de la société génère le chaos qui profite aux plus forts.

Sauvegarder notre savoir pour préserver notre avenir

Au delà de la capacité d’échange indispensable à l’organisation globale de la société, c’est notre capacité à transmettre notre connaissance et notre culture, de génération en génération, qui distingue l’homme de l’animal. Notre “réussite” en tant qu’espèce est en effet étroitement liée à notre aptitude à capitaliser la connaissance et la transmettre au fil du temps.

Nous prenons pour acquis le fait que notre culture et notre connaissance sont en lieu sûr. Mais ce n’est absolument pas le cas avec le numérique.

Les documents critiques des Etats sont stockés sur papier en caractères lisibles par des êtres humains. Et il y a une bonne raison à cela. Dans 500 ans, il y a infiniment plus de chances que l’humanité puisse lire des documents papiers écrits avec des mots et des phrases plutôt qu’une carte perforée ou un disque dur. Qui est encore capable de lire une disquette 5 pouces ¼ dont la commercialisation a cessé il y a moins de 30 ans ?

Dans ce contexte, nous devrions nous garder du tout numérique et il est heureux que les livres et autres documents papier continuent à sédimenter notre savoir et notre culture. Car ce sont finalement les meilleurs moyens de transmissions dont nous disposons sur le long terme.

J’espère vous avoir convaincu que le numérique – que cela soit souhaitable ou pas –  joue un rôle prépondérant dans la bonne marche de la société actuelle, et qu’à ce titre, il est urgent de :

  • le considérer comme une ressource critique,
  • mais aussi de lui trouver des alternatives.

C’est l’objet du prochain article qui portera sur la “low-tech numérique”, une approche que nous avons imaginé il y a déjà quelques des années et qu’il est désormais urgent de mettre sur le devant la scène.

source : GreenIT.fr

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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