Catégorie : Réseau

Les forfaits limités : une bonne idée ?

Dans sa feuille de route sur l’Environnement et le Numérique (PDF), le CNnum (Conseil National du Numérique), a proposé 50 mesures pour
concilier environnement et numérique.

La sobriété numérique est déclinée au sein de plusieurs propositions.

Malheureusement, une seule d’entre elles a retenu l’attention de certains
acteurs du numérique et du grand public : « encourager les forfaits à
consommation limitée, y compris sur le fixe ».

Cette proposition est fortement décriée dans la presse et sur les réseaux
sociaux. L’ARCEP par l’intermédiaire de son président Sébastien Soriano, a
fait valoir également son opposition à une telle mesure.

Face à cette levée de boucliers, le CNnum a publié un communiqué de presse pour préciser sa proposition. Alors, limiter les données sur les forfaits
internet, bonne ou mauvaise idée?

Forfait mobile «limité», rien de nouveau

Aujourd’hui, les forfaits « illimités » n’existent pas dans la téléphonie mobile. La souscription d’un abonnement mobile avec « data » implique déjà un quota. Quand ce quota est atteint, l’opérateur réduit le débit sans toutefois l’arrêter et laisse la possibilité de « racheter du crédit ». Cela laisse une liberté au consommateur de gérer leur consommation « données » et le budget associé.

Quant aux forfaits « verts », des alternatives existent déjà dans la téléphonie mobile. Il s’agit de forfaits «nus» incluant seulement la téléphonie avec des options d’achat de crédit « data ». Il n’y a donc rien de
nouveau dans cette proposition côté mobile.

Une idée serait plutôt d’encourager la souscription pour un forfait « nu » ou
avec un crédit «data» faible à la place d’un forfait mobile «multimédia».
Cela pourrait se faire via un système de « prime » pour les « petits » forfaits
et de « malus » pour les « gros » forfaits « multimédia ». Entre autres, cela
inciterait les « grands » consommateurs de données à privilégier le réseau
filaire qui est beaucoup moins impactant que le réseau mobile au niveau
énergétique. A titre d’exemple, une connexion 4G est jusqu’à 23 fois plus
énergivore qu’une connexion WiFi
.

Forfait fixe «vert», une mesure sans effet réel

Concernant les forfaits fixes, cette mesure serait très peu efficace. Il
faut rappeler que 90 % de l’impact du réseau se situe dans la boucle locale, donc surtout côté box et / ou borne Wifi pour les réseaux filaires.

La consommation énergétique de la box augmente très faiblement suivant le volume de données transmis, la très grande partie de sa consommation est due à son fonctionnement. Réduire sa consommation de données filaires a donc un impact insignifiant comparé à «simplement» éteindre sa box quand elle n’est pas utilisée.

Rappelons aussi que le plus gros de l’impact du numérique est ailleurs. Selon notre étude #iNUM, 3/4 des impacts en France sont liés à la fabrication des terminaux utilisateurs. Se focaliser sur la consommation énergétique des données sur le réseau nous éloigne donc considérablement du cœur du problème.

Quant au défi environnemental propre au réseau, il est d’éviter une saturation qui nous imposerait le déploiement d’une nouvelle infrastructure. Aujourd’hui, d’après l’ARCEP la capacité est 2,7 fois supérieure à la consommation, ceci nous laisse donc encore une marge de manœuvre alors même que nous écoconcevons toujours insuffisamment nos services numériques.

Réduire l’empreinte du numérique

L’idée d’ « encourager les forfaits à consommation limitée » nous apparaît
donc symbolique et non efficace. Cependant, elle ne doit absolument pas
occulter le reste de la feuille de route du CNnum qui contient des mesures
essentielles pour réduire notre empreinte du numérique.

Parmi elles, soulignons les suivantes:

  • Le soutien aux filières de réparation et de reconditionnement permettrait de réduire nos déchets numériques, garantir un réemploi de qualité pour les consommateurs et augmenter le taux de collecte.
  • Le renforcement de la durée de vie des équipements numériques permettrait de réduire le renouvellement des terminaux utilisateurs.
  • L’écoconception des services numériques permettrait de réduire l’impact des services courants et limiter le risque de saturation. C’est aussi un facteur de compétitivité pour la France et un gain de pouvoir d’achat pour les français.
  • La formation au numérique responsable pourrait faire de la France le pays numéro un dans la rencontre entre numérique et de l’environnement.

Thomas Lemaire