Catégorie : Acteurs

Amsterdam sera neutre carbone dès 2015 grâce à Cisco

La semaine dernière, j’ai eu la chance de participer à la “Connected Urban Development (CUD) Conference” organisée par Cisco à Amsterdam. L’évènement avait pour objectif de présenter les avancées de la ville d’Amsterdam en matière de lutte contre les émissions de CO2, et de rendre publics les premiers résultats du programme CUD de Cisco.

Avant de nous intéresser au programme CUD en détail, j’aimerais vous présenter le retour d’expérience de la ville d’Amsterdam. Cette dernière a un double challenge à relever. D’une part, son périphérique ne pourra pas soutenir la croissance de la ville tant il est déjà bouché aux heures de pointe. Cette congestion se traduit par d’importants rejets de CO2, principal gaz à effet de serre (GES). “Le problème est pire que prévu. La ville d’Amsterdam se sent une obligation morale de lutter contre ses émissions de CO2. Nous avons réussi avec l’eau. Nous réussiront avec le CO2” nous a expliqué Job Cohen, maire d’Amsterdam. La ville s’est donc fixée comme objectif d’être “neutre carbone” dès 2015.

C’est Bas Boorsma, responsable du programme Connected Urban Development (CUD) à la ville d’Amsterdam qui est chargé de trouver des solutions. En plus d’une réflexion autour du green building, la mairie se concentre sur la circulation. “Les travailleurs perdent un temps fou dans les embouteillages durant lesquels ils rejettent beaucoup de CO2. Tout cela simplement pour rejoindre leur poste de travail. On se croirait au moyen-âge quand les gens devaient faire des kilomètres pour aller puiser de l’eau !” explique Bas Boorsma. “Il faut prendre le problème à l’envers. C’est à dire amener le poste de travail et les informations jusqu’au salarié, sur son lieu de vie, plutôt que l’inverse” ajoute-t-il. (interview)

Allié à Cisco, la ville d’Amsterdam a donc lancé un programme pilote de re-localisation du lieu de travail de certains de ses salariés (25 pour commencer). Son “Smart Work Center” d’Almere (35 km d’Amsterdam) accueille les employés de la ville qui peuvent ainsi télé-travailler au sein d’une antenne locale.

WV5X0926.jpg

Equipés des dernières technologies (accès internet par fibre optique, système de télé-présence de Cisco, etc.), ils partagent leur lieu de travail avec des employés d’autres entreprises (IBM par exemple) au sein d’openspace ou de box privatifs plus calmes. Le système de télé-présence de Cisco est accessible à la demande pour organiser des réunions virtuelles partout dans le monde.

La ville a fait son calcul. Un poste de travail traditionnel (locaux, PC, éclairage, etc.) lui coûte 15.000 euros par an et par salarié. Sans compter les rejets de CO2 et le coût de l’essence liés aux déplacements maison-bureau-maison. Le Smart Work Center d’Almere revient à la moitié du prix (7.500 euros) grâce à la mutualisation des infrastructure entre différentes entreprises, à un prix du foncier moins important, etc. Cerise sur le gâteau, il propose sur place tous les services utiles aux employés : crèche, banque, restaurant d’entreprise, etc.

WV5X1007.jpg

Au final, “nous avons réussi a sortir les déplacements de l’équation tout en faisant gagner du temps à nos employés. Une diminution de 20 % du trafic, c’est 40 % de CO2 en moins et des minutes en plus à passer avec ses enfants” rappelle Bas Boorsma. (interview)

L’initiative de la ville d’Amsterdam n’est pas isolée. Une dizaine de centres sont en préparation dans l’ouest du pays (La Hague, Rotterdam, Utrecht, Schipol, etc.), dont le réseau routier est un des plus saturés d’Europe. Et des villes du monde entier participent au programme. Inspiré par la Clinton Global Initiative, Connected Urban Development a été lancé fin 2006 par l’équipementier réseau Cisco qui a investi 15 millions de dollars dans l’opération.

CUD regroupe différentes initiatives dans des villes comme San Francisco, Séoul, Birmingham, Lisbonne, Hambourg et Madrid. “Nous souhaitons aider les grandes villes à réduire leurs consommation d’énergie et leurs émissions de CO2, tout en améliorant le confort des citadins, grâce aux nouvelles technologies de l’information” explique Nicola Villa, directeur du programme CUD chez Cisco. Pourquoi se concentrer sur les villes et non sur les entreprises ? Parce qu’elles consomment 80 % de l’énergie mondiale et produisent 75 % des gaz à effet de serre.

WV5X0961.jpg

Les challenges a relever sont nombreux. Chaque ville se concentre donc sur une partie du programme. En plus d’Amsterdam, Séoul teste un logiciel d’optimisation du trafic routier. San Francisco, un système mobile d’optimisation entre l’offre et la demande pour les déplacements en transport en commun. D’autres technologies – freecooling de datacenters, distribution optimisée d’électricité, green building, etc. – sont testées par les autres villes. A terme, les villes partageront leurs retours d’expérience et les technologies mises au point. Et Cisco disposera ainsi d’une offre concrète à commercialiser auprès des grandes mégalopoles des pays développés et émergents (Chine, Inde, etc.).

Amsterdam compte sur son rôle pionnier dans le programme CUD pour attirer de grandes entreprises sur un territoire “vert”. Elles pourront ainsi atteindre plus facilement leurs objectifs de réduction de leur empreinte carbone grâce aux infrastructures proposées par la ville. La conjonction des nouvelles technologies et de l’environnement (green IT) devient donc peu à peu un vrai argument pour les grandes villes du monde entier. “C’est notamment le cas de la Chine qui a fait un virage complet dans ce sens en 12 mois” note Nicolas Villa.

Reste que ces projets ne sont encore que des expérimentations. A court terme, les quelques dizaines d’utilisateurs du Smart Work Center d’Almere n’auront aucun impact significatif sur les émissions de CO2 d’une ville comme Amsterdam. Mais ils montrent qu’une autre organisation économique et sociale est possible grâce à l’informatique. Il faudra cependant attendre une adoption massive de ce dispositif pour mesurer les premiers impacts concrets au niveau environnemental, social et économique.

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

Site web - Twitter - Facebook - Linked In