Catégorie : Matériel

La RFID à l’épreuve de l’innovation responsable

En mars dernier, l’Observatoire pour l’innovation responsable et un groupe de travail pluridisciplinaire constitué sous son égide organisaient à Télécom ParisTech la première conférence-débat transversale sur la technologie RFID (Identification par radiofréquences), ses impacts sociétaux potentiels, et les mesures à mettre en œuvre pour que cette technologie prometteuse, qui s’ouvre aujourd’hui aux usages grand public, puisse se déployer de manière responsable sans porter atteinte aux libertés de la personne, à la santé publique, ou à l’environnement.

Nous vous proposons ici une synthèse de cette journée, rédigée par Laura Draetta, Francesca Musiani, et Dominique Tessier.

50 milliards d’objets connectés d’ici 2020
Cette initiative intervient au moment où le domaine de l’Internet des Objets – dont la RFID est une des technologies constitutives – est annoncé comme l’un des nouveaux développements industriels les plus porteurs à l’échelle mondiale. Les chiffres avancés – 50 milliards d’objets connectés d’ici la fin de la décennie à l’échelle planétaire, de 10 à 20 milliards de chiffre d’affaires par an (source IDTechEx) – parlent d’eux-mêmes. En France, ce thème fait l’objet d’un des 34 plans de reconquête industrielle du gouvernement. Toutefois, la promesse économique n’est pas le seul sujet des réflexions prospectives en cours et ne doit pas occulter certaines implications sociétales éventuelles, susceptibles de produire des impacts négatifs ou problématiques pour les êtres humains et pour l’environnement. Ainsi, les organisateurs de la conférence-débat se sont donnés pour objectif de poser le cadre pour une approche réflexive et responsable de ce complexe technologique ambivalent dont les principaux atouts techniques sont aussi ses limites majeures dans son « mariage » avec la société.

Garantir le respect de la vie privée
Les premières conférences de la journée ont d’emblée posé la problématique, entre innovation et recherche responsables (Pierre-Benoît Joly), usages de la RFID et enjeux sociétaux (Laura Draetta et Claude Tetelin), place de l’être humain à l’ère de l’hyperconnectivité (Nicole Dewandre). Il a été montré comment l’étiquette RFID, qui est en général conçue pour un usage bien précis, demeure ensuite attachée à l’objet ou à la personne qui la porte, ouvrant la voie à des applications plus insidieuses, voire à une possibilité de revente difficilement prévisible ou maîtrisable de données personnelles. Par nature, cette technologie invisible est « pervasive » : elle peut permettre de savoir silencieusement ce qu’une personne achète, quels lieux elle fréquente, ce qu’elle lit ou qui elle est, sans compter que la transmission d’informations par voie hertzienne est exposée au risque de capture et de compromission – volontaire ou accidentelle – de données.

Quid de la fin de vie de ces déchets électroniques ?
Mais les questions de confidentialité de l’information et de sécurité des processus d’exploitation ne sont pas les seules à faire l’objet de préoccupations institutionnelles et citoyennes : on s’interroge aussi sur les effets sanitaires des champs électromagnétiques produits par les systèmes RFID, notamment dans le cas d’exposition de certaines personnes en situation professionnelle. Depuis peu, quelques interrogations sont également soulevées à propos de la fin de vie de ces étiquettes électroniques destinées à une vie courte et de l’opportunité de les recycler ou de les éco-concevoir pour minimiser leur impact environnemental.

Pour autant, il ne s’agit pas d’agiter des peurs. Il est plutôt question de la définition d’un nouveau compromis, entre des potentialités économiques à préserver et le respect de piliers essentiels de notre pacte social, dans les domaines des libertés, de la santé, de la protection de l’environnement. L’enjeu, c’est l’intervention réfléchie de la société dans un domaine qui est loin de n’être que technique.

Nous publierons bientôt une série de trois articles plus fouillés synthétisant chacune des trois tables rondes :

  • RFID et Vie privée : animée par Michel Alberganti (journaliste à France Culture, producteur de l’émission « Science publique »), avec la participation de Pierre-Antoine Chardel (philosophe, professeur à l’Institut Mines-Télécom), Jean-Gabriel Ganascia (informaticien, professeur à l’Université Pierre et Marie Curie), Marie-Charlotte Roques-Bonnet (juriste à la CNIL), Olivier Rouxel (chargé de mission RFID à la DGCIS, Ministère du Redressement productif), Claude Tetelin (directeur technique du CNRFID).
  • RFID et Santé : animée par Jean-Marc Galan (chercheur CNRS et co-producteur de l’émission radio « Recherche en cours »), avec la participation de Catherine Gouhier (secrétaire générale du CRIIREM), Olivier Merckel (chef de l’unité Agents physiques, nouvelles technologies et grands aménagements, ANSES), Guillaume Sacco (médecin, Centre d’innovation et d’usages en santé, CHU Nice), Danielle Salomon (sociologue, Risques & Intelligence), Claude Tetelin (directeur technique CNRFID), Joe Wiart (co-responsable WHIST Lab, Institut Mines-Télécom & Orange).
  • RFID et Environnement : animée par Cécile Michaut (journaliste freelance), avec la participation d’Alain Anglade (ingénieur expert, ADEME), Laura Draetta (enseignant-chercheur en sociologie à Télécom ParisTech), Nathalie Mitton (chercheur en informatique à l’INRIA), Dominique Paret (consultant RFID), Etienne Perret (enseignant-chercheur en électronique à l’Institut Polytechnique de Grenoble), Alfred Rosales (directeur général de FEDEREC).

Source : compte rendu de L. Draetta, F. Musiani, et D. Tessier, http://www.debatinginnovation.org/

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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