Catégorie : Bonnes Pratiques

Coupe du monde : Pollution 1 – Nature 0

Je ne saurais présager des performances de notre équipe nationale lors de la coupe du monde de football qui débute cette semaine mais je suis en revanche convaincu du résultat suivant : Pollution 1 – Nature 0.

 

Si je ne remets par vraiment en cause les dimensions fédératrices, rassurantes et distrayantes d’un tel événement, et suis même presque prêt à reconnaitre la relative nécessité de ce type de grands-messes internationales, faisant converger vers un même point (malheureusement à grands "coûts" de kérosène) des milliers d’exaltés pour célébrer d’étranges divinités païennes de cuir, sueur et gazon, je me désole toutefois de leurs conséquences environnementales.

On pourrait certainement citer des centaines d’exemples de gâchis, gaspillages et margouillis, depuis l’opportunité de créer des nouveaux stades flambant neufs, au nez et à la barbe de voisins crèvent-la-faim, jusqu’au sirupeux merchandising qui empoisse l’événement :
Qui n’a pas son "joli" maillot bleu, tout acrylique, floqué du nom d’un millionnaire aux pieds d’or ? Vous ? Ah, mauvais Français, va !

Je ne retiendrai toutefois pour ce billet qu’un élément, insignifiant pour certains, aberration pour ma part, qui m’hérisse le poil depuis quelques semaines. Sur la plupart des médias fleurissent ces temps-ci d’étranges publicités, invitant le consommateur malin, vaillant Columbidae, à se munir d’un nouveau téléviseur gigantesque pour profiter au maximum des matchs à venir.
Mieux, certaines enseignes aimant flirter avec les étoiles proposent même de rembourser l’investissement si nos petits gars remportent le trophée.

Formidable ! Remplaçons donc toutes nos TV, peu importe qu’elles soient encore en état de marche, par de nouveaux écrans plats et géants, faits de plastiques brillants et d’électronique d’avant-garde ! C’est promo, design, peu cher et même éventuellement gratuit (à une cote de 15 contre 1), donc ne réfléchissons pas et lançons nous dans l’aventure ! Voici donc une riche idée marketing mais chiche approche environnementale, nouvelle expression d’un redoutable concept en vogue : Servez vous de vos euros et non de vos cerveaux!

Est-ce vraiment la peine de pousser la porte de ces géants de l’électroménager pour garnir votre salon d’une de ces nouvelles perles de l’orient ? Avez-vous réfléchi aux conséquences écologiques d’une telle action ? Ces quelques points sont alors à considérer, avant de se précipiter, tel une bête en rut, vers les rayonnages de ces temples de la consommation, aux murs d’écrans drapés d’une ambiance claire-obscure propice à l’achat impulsif :

– Quel a été l’impact environnemental de la fabrication du produit et son acheminement ?
Les constructeurs sont bien souvent avares en information sur le sujet (coût énergétique, consommation d’eau et de matières premières, utilisation de produits dangereux etc.) mais faites un tour approfondi de Greenit.fr, vous découvrirez nombre d’articles illustrant le fait que ces coûts cachés sont colossaux (par exemple ici et ).

– Le nouveau téléviseur permettra-t-il de faire des économies d’électricité ?
Il est effectivement largement probable que la consommation d’un appareil récent soit moindre que celle de son prédécesseur. Mais à l’échelle de la planète, il faudrait sans doute près d’une dizaine d’années d’utilisation pour que le maigre gain compense l’énergie grise investie lors des phases de construction, manutention et transport. Sachant qu’à la prochaine compétition sportive majeure (dans 4 ans?) ou à l’arrivée d’une n-ième technologie révolutionnaire, vous céderez peut-être de nouveau à la tentation, on peut imaginer que le gap énergétique ne sera vraisemblablement jamais compensé.

– Que faire du vieux coucou ?
Votre téléviseur est un DEEE, hautement polluant.
S’il fonctionne toujours, le mieux est de se plier à une saine évidence : gardez-le ! A défaut, encouragez-en la réutilisation : donnez le à un jeune neveu, filleul ou cousin (en vous assurant qu’il ne se débarrassera pas par la suite de son propre petit poste 36 cm des années 80 sur le premier trottoir venu, au lieu de le conduire à la déchetterie). Vous pouvez également le transmettre à une association ou le proposer sur un site de don et d’échange.
Sinon, peut-être le laisserez vous au charmant vendeur qui vous a délesté, avec le sourire, de 875 euros. Il est tenu de reprendre votre vieil appareil pour le conduire vers un circuit de retraitement, malheureusement d’une efficacité en demi-teinte.

– Quel est le choix responsable ?
Résister aux palabres de ces habiles marketeurs et réunir ses amis pour profiter de la compétition autour du vieux poste familial. Ce n’est pas la (théorique) qualité de l’image qui constitue le cœur des grands souvenirs télévisuels, mais l’émotion partagée avec des proches en ces rares instants où un bibendum maladroit marche dans la poussière lunaire, où un milieu de terrain à la célèbre tonsure place une tête bienheureuse ajustée en lucarne d’un but brésilien ou malheureuse et rageuse dans un poitrail italien…
Au final, gardez en mémoire l’adage suivant : dans la majorité des cas, l’équipement hi-tech le plus "vert", c’est celui que vous possédez déjà.

Pour conclure, je ne suis pas réellement le mieux placé pour donner des leçons : j’ai moi-même, comme beaucoup de mes compatriotes, un appareil relativement récent, fin comme un sandwich club, à même d’afficher plus de pixels que mes yeux ne sauraient en détecter. Et pourtant, point de révolution : en haute définition, un match de foot ressemble toujours autant à une gigue de jeunes lutins autour d’un petit pois pâlichon !

Denis Meudec

Ingénieur Sudria et titulaire d’un CAAE-MBA de l’IAE de Paris, j’interviens en tant que consultant sur des projets informatiques depuis une dizaine d’années. D’abord développeur JAVA / J2EE puis architecte, je suis désormais chef de projet technique, intervenant auprès de grands groupes, généralement dans le secteur banque / assurance. Sensible depuis toujours à la protection de l’environnement, je suis convaincu qu’il est possible de faire rimer technologie et écologie, à condition de s’en donner les moyens, de se poser les justes questions et de communiquer largement afin de louer les innovations vertes et de dénoncer les aberrations du système. C’est dans cette optique que j’ai créé le blog forceverte et rejoint l’équipe de GreenIT.fr. Passionné de musique rock - mais piètre guitariste - et un peu "geek" sur les bords, je suis toujours à l’affût de nouveautés mi green / mi high-tech.