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Le Datacenter Marilyn tient ses promesses

Un an après la mise en service du datacenter « Marilyn » du fournisseur d’accès à internet Celeste, c’est l’occasion de revenir sur les premiers résultats de son exploitation. Nous avons interviewé Nicolas Aubé, président de Celeste.

En quoi Marilyn est-il un datacenter innovant ?
Nicolas Aubé : C’est le premier centre informatique écologique et haute densité. Sa conception verticale permet de réaliser un refroidissement par l’air ambiant quasiment toute l’année. L’air chaud dégagé par les serveurs est utilisé pour chauffer nos bureaux, le surplus est évacué via des volets automatiques en haut des tours.

Pourquoi ce nom de Marilyn ?
NA : Car nous avons pensé à la célèbre actrice dans le film « Sept ans de réflexion » lorsque sa robe s’envole sur une grille d’aération. Dans notre datacenter, l’air passe à travers les étages et peut faire s’envoler les robes !

Votre projet a-t-il suscité de l’intérêt du public ?
NA : Oui, nous en avons été les premiers surpris. Nous avons fait une première session porte-ouvertes qui a connu un tel succès que nous en avons fait … 20 éditions. Nous avons eu de nombreux reportages de presse papier/Internet et de chaînes nationales de télévision. Je crois que la face cachée de l’Internet intéresse le public.

Le fonctionnement est-il optimal toute l’année ?
NA : Depuis la mise en service en octobre 2011, à Marne-la-Vallée, nous avons eu l’occasion de tester des températures extérieures extrêmes entre -15°C en février et 40°C en août. Le taux d’humidité ambiante a varié de 15% à 100%. Nous avons ainsi pu valider l’ensemble des plages de fonctionnement du datacenter.

Quels sont les modes de fonctionnement ?
NA : Nous sommes en mode « froid » lorsque la température extérieure est de moins de 22°C, soit 80 % de l’année. Il n’y a pas besoin de climatisation pour refroidir l’air. Nous recyclons l’air chaud refoulé par les ordinateurs et le mélangeons avec de l’air froid, extérieur, afin de souffler un air d’une température comprise entre 17°C et 22°C dans les colonnes froides devant les serveurs. Ce mode de refroidissement est tellement efficace que nous avons dû le limiter les premières semaines, avant que les salles se remplissent, car la température avait tendance à être trop basse.

Dans les plages entre 20 et 22°C : le refroidissement par l’air ambiant a bien fonctionné même à ces températures assez chaudes : la température dans les salles n’était pas supérieure à la température extérieure, malgré plusieurs centaines de serveurs en fonctionnement. Et cela sans aucune climatisation. C’est le cœur de notre modèle : nous dépensons uniquement l’énergie pour faire tourner les ordinateurs, pas pour climatiser.

A quoi correspondent les autres modes ?
Le mode « tiède » se situe entre 22°C et 32°C. Nous utilisons toujours l’air extérieur, car sa température reste inférieure à celle expulsée par les serveurs. Nous refroidissons l’air extérieur afin de le ramener à 22°C, et nous expulsons tout l’air chaud par la toiture. Ce mode reste assez efficace.

Le mode « chaud » se situe au-delà de 32°C. Nous fonctionnons alors en circuit fermé, en climatisant l’air chaud produit par les serveurs, comme un datacenter ordinaire. Dans ce mode, nous ne réalisons pas d’économie, mais il ne représente que 5 % de l’année. Nous avons remarqué également qu’il reste intéressant d’ouvrir partiellement les volets au sommet des tours, afin de créer une dépression dans l’allée chaude et un effet de tirage naturel.

Quelles sont les contraintes de ce procédé ?
NA : il nécessite une étanchéité parfaite entre l’avant des serveurs (allées froides) et l’arrière (allées chaudes). Pour cela, nous fournissons des caches à nos clients. Nous avons constaté qu’en cas de fuites d’air frais trop importantes, nous devions augmenter la pression dans les allées froides.

Comment vos clients ont-ils accepté ces innovations ?
NA : Nous étions un peu inquiets ne sachant pas si nos clients accepteraient ce modèle de salle informatique verticale ; et même si certains n’auraient pas le vertige car on travaille au-dessus de 5 étages grillagés. Or nous sommes heureux de voir que ce n’est pas le cas, les clients ont tout de suite adhéré à notre concept et ces innovations ont été plutôt un moteur commercial qu’un frein.

Pourquoi dites-vous que le datacenter Marilyn est en haute densité ?
NA : Il s’agit de la puissance électrique disponible par baie. Le datacenter est équipé pour une densité moyenne de 5 kVA par baie, ce qui est nettement supérieur aux autres datacenters que nous connaissons en France. Nous pouvons fournir des baies en standard jusqu’à 10 kVA.

Quelles modifications avez-vous apportées depuis un an ?
NA : nous avons étendu la gamme commerciale en termes de densité. En effet, nous avons pu répondre à des appels d’offre qui demandaient jusqu’à 15 kVA par baie. Par ailleurs nous avons également mis au catalogue des baies avec 1 kVA pour des besoins en faible consommation. Nous avons lancé des baies « cloud » avec une consommation variable, facturée à l’usage. Cette offre convient parfaitement aux fournisseurs de Cloud computing.

Quels sont vos projets pour le futur ?
NA : En 2013, nous avons prévu d’équiper la deuxième tour du datacenter Marilyn. Par ailleurs, Celeste est membre de nuage, le projet de recherche collaboratif sur le cloud computing écologique qui est soutenu par l’Etat. A ce titre, nous travaillons à un modèle de datacenters en réseau, dédiés pour le cloud. Nous avons également été approchés par des investisseurs ou des industriels qui souhaitent réutiliser notre brevet « Marilyn » en France ou à l’étranger. Nous avons conçu un contrat de licence à cet effet.

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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