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Une brève histoire du Green IT

On lit tout et n’importe quoi sur le web. Si vous croyez que l’histoire du Green IT commence avec l’apparition du label Energy Star en 1992, cet article est fait pour vous ! Nous vous présentons les principaux jalons historiques de cette démarche d’amélioration continue qui vise à réduire l’empreinte environnementale, économique et sociale du numérique.

Voici donc la véritable histoire du Green IT ! Afin de rendre la chronologie plus digeste et d’offrir un second niveau de lecture plus synthétique, nous l’avons découpé en 5 périodes (à la manière des ères géologiques).

1992-2006 : la préhistoire du Green IT

La période qui s’étend de 1992 à 2006 peut être considérée comme la préhistoire du Green IT. C’est à ce moment que l’on commence à découvrir le sujet.

  • 1992 : TCO est le premier label à intégrer au moins deux dimensions du développement durable. Il s’intéresse à la santé humaine (émission d’ondes électromagnétiques par les tubes cathodiques) et à l’aspect financier (économie d’énergie).
  • 1995 : Trois ans plus tard, TCO intègre ses premières exigences environnementale afin de réduire certaines substances chimiques toxiques.
  • 2000 : création du Green Electronic Council qui pilotera, plus tard, l’écolabel EPEAT.
  • 2003 : Le changement climatique commence à être connu du grand public. On commence à se poser la question de l’impact environnemental du numérique. On parle surtout de “green computing“.
  • 2004 : lancement de GreenIT.fr
  • 2005 : premier rapport du Green Grid sur la consommation électrique des centres de données et prévision pour 2010. On ne parle pas encore de Green IT en France.
  • 2005 : création du groupement de service EcoInfo (CNRS)
  • 2006 : première version de EPEAT. Bien que publié 10 ans après TCO, cet écolabel va s’imposer en quelques années sur certains types d’équipements via les commandes publiques des agences fédérales américaines.

2007-2009 : première ère : vision limitée du sujet

La période qui s’étend de 2007 à 2009 marque le début du Green IT en France et dans le reste du monde. Pendant cette période, les premières démarches structurées sont lancées par les grandes entreprises privées et publiques. C’est aussi à ce moment que les premières formations, salon, évènements, etc. apparaissent.

A l’époque, on s’intéresse surtout aux sujets évidents liés à l’utilisation des équipements et « faciles » tels que la consommation électrique des postes de travail et des centres de données, la réduction des volumes d’impressions, la dématérialisation de documents papier vers des documents numériques, etc. Les entreprises ne s’intéressent pas encore aux sujets de fond et n’abordent pas encore la problématique avec les bons outils méthodologiques : cycle de vie, éco-conception, lien entre logiciel et matériel, dimension sociale, etc.

  • 2007 : Al Gore et le GIEC reçoivent le Prix Nobel de la Paix. C’est le véritable déclencheur dans la société civile et dans le monde informatique. Il y a très nettement un avant et un après 2007.
  • 2007 : Le cabinet de conseil Gartner impose le terme de “Green IT” dans les grandes entreprises privées.
  • 2008 : Premiers articles dans des médias généralistes en France et dans le monde sur le Green IT.
  • 2008 : Première offre de formation en Europe lancée par GreenIT.fr
  • 2008 : GreenIT.fr forge le terme “sobriété numérique” qui ne prendra son envol que 10 ans plus tard.
  • 2009 : le Syntec Numérique publie un position paper sur le sujet du Green IT.
  • 2009 : lancement de l’écoconception logicielle en France par GreenIT.fr.
  • 2009 : vote de la loi Grenelle 1 (feuille de route non contraignante)
  • 2009 : lancement de la Contribution Climat Energie (qui sera annulée avant les élections)
  • 2009 : fin 2009, échec de la COP de Copenhague. Conjugué à la crise économique, on note un ralentissement très net des projets Green IT des entreprises (qui débutaient à peine).

Les entreprises se positionnent en communiquant sur le sujet mais n’agissent pas concrètement. Le Green IT est principalement une question d’image et de communication. Les organisations n’ont pas encore pris la mesure du potentiel de réduction de coûts et d’impacts. C’est l’ère du greenwashing et du “carbone”. On ne s’intéresse pas aux autres sujets clés tels que la biodiversité, l’épuisement de ressources, la dimension sociale, etc. Les entreprises recherchent des solutions techniques qui n’existent pas encore.

2010-2012 : Deuxième ère : industrialisation des démarches

A partir de 2010 commence une deuxième ère du Green IT au début de laquelle l’écosystème va maturer et progressivement découvrir les sujets de fond : cycle de vie, impacts variés, sujets plus profonds comme allongement durée de vie, écoconception, etc. Les médias pro (informatique) et les cabinets de conseil (Gartner, etc.) se désintéressent progressivement du sujet qui est repris pas les médias grand public sous des angles plus forts : obsolescence programmées, déchets électroniques et leur “recyclage” en Afrique, etc. C’est finalement le grand public qui va pousser les entreprises à s’intéresser aux sujets de fond. C’est aussi à ce moment que débutent les premières démarches structurées des grandes entreprises et que l’écosystème se développe et commence à se structurer.

Les attentes sont clairement des gains économiques et environnementaux. Les premières “solutions” arrivent avec des outils de « power management », des « comptabilités carbones », etc. L’offre de solutions et de prestataires est foisonnante par rapport à la taille microscopique du marché.

2012 à 2015 : Troisième ère : écoconception et numérique responsable

A partir de fin 2012 / début 2013, la plupart des grandes entreprises lancent des projets ambitieux liant informatique et développement durable. Presque tous les appels d’offre IT intègrent des exigences sociales et environnementales. Mais on n’est plus uniquement dans le Green IT. La dimension sociale prend de l’ampleur ainsi que la prise de conscience que le numérique peut améliorer la performance RSE / DD d’une offre (produit ou service). C’est le début de la rencontre concrète entre transition écologique et numérique. Désormais, l’écoconception est une arme qui permet de différentier des produits aussi bien que des services numériques.

Les entreprises ont atteint un premier pallier de maturité (Green IT) et commencent à intégrer le numérique responsable comme un atout stratégique. Le numérique responsable n’est plus une démarche réservée aux informaticiens. Au contraire. Des responsables produits et des responsables RSE / DD s’emparent du sujet. L’attente est à la fois économique, mais aussi plus globale : réduction réelle des impacts environnementaux, différenciation commerciale et compétitivité, création de valeur. On commence enfin à intégrer le numérique et le développement durable comme deux « drivers » clés dans une réflexion globale d’entreprise qui ne se limite pas à l’environnement et au carbone.

L’idée n’est plus seulement de réduire, mais aussi de créer de la valeur.

On est clairement entré dans une ère où le numérique est omniprésent et constitue pour beaucoup la solution (ou du moins le vecteur des solutions). On bascule progressivement de Green for IT à IT for Green. Cela signifie que la société civile et les chefs de produits s’emparent du sujet. Cependant, plutôt que de s’orienter vers l’innovation frugale, la low tech, et le jugaad, la majorité des entreprises voient dans le numérique une solution plutôt qu’un vecteur de changement. Un gigantesque effet rebond se prépare avec l’avènement des objets connectés et du big data associé.

2016 à aujourd’hui : 4ème ère : réemploi et conception responsable des services numériques

A partir de septembre 2015, les entreprises qui s’intéressent au numérique responsable depuis quelques années finalisent l’industrialisation de leur démarche. Les responsables RSE et produits de ces entreprises découvrent la conception responsable des services numériques. Il s’agit d’intégrer le respect de l’environnement et la performance économique et sociale dès la conception métier et fonctionnelle du service numérique. On n’est donc plus dans une démarche de réduction d’empreinte mais de création de valeur ajoutée, souvent associée à une forme de sobriété numérique volontaire.

  • 2016 : Premier Benchmark Numérique Responsable en France regroupant 9 grandes entreprises privées et publiques.
  • 2016 : GreenIT.fr, via le Collectif conception numérique responsable met au point la certification « écoconception de service numérique »
  • 2016 : plusieurs outils liés à l’écoconception web voient le jour, notamment www.ecoindex.fr.
  • 2017 : 13 clusters, collectifs et fédérations représentant 6 000 entreprises du numérique dans 4 pays européens publient le livre blanc « écoconception numérique : mode d’emploi »
  • 2017 : www.ecometer.org outil gratuit et ouvert dédié à l’évaluation de la maturité d’une page web en terme d’écoconception.
  • 2017 : deuxième Benchmark Numérique Responsable conclut à l’importance du réemploi des équipements et de la conception responsable des services numériques. Certains participants atteignent plus de 70 % de réemploi de leurs unités centrales. D’autres annoncent que la moitié de leurs serveurs exécutent des logiciels qui ne servent à rien.

A quoi l’avenir du numérique responsable ressemblera-t-il ? Bien malin qui le prédira. Cependant, la sobriété, la simplicité, et l’inclusion s’imposent de plus en plus comme des axes de progrès incontournables.

Source : GreenIT.fr

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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